Nelly Arcan a tiré sa révérence.
Nous sommes tous et toutes sous le choc. Pour ma part, j’éprouve une grande tristesse mais j’avoue ne pas être étonnée.
À chaque fois que je la voyais, que je la lisais, que je l’entendais, j’avais le sentiment d’être devant une personne torturée, sur le point de se rompre. Je l’avais croisée récemment sur le plateau de l’émission Ici et là et, il y a un an ou deux, à l’aéroport Charles de Gaulle où nous attendions le même avion pour rentrer à Montréal. Son œuvre était empreinte de mal-être : mise à mort de l’intimité, relation inexistante, sexualité dépersonnalisée, haine de soi… J’avais souligné, dans le Sexe en mal d’amour , « ses écrits truffés de fantasmes mortuaires et pathologiquement narcissiques. »
Si son suicide ne me surprend pas, sa personne —ce qu’elle était— me déconcertait. Une extrême candeur et une lucidité exacerbée semblaient se bousculer en elle. Cette femme était un paradoxe ambulant. L’incarnation même de son époque : la dictature du paraître qui fut aussi son grand thème d’écriture et de réflexion.
Elle avait du talent. Son écriture avait du souffle. Sa conscience était aiguë. Insupportablement aiguë peut-être… Elle ne cachait pas son obsession de beauté et de jeunesse, son incapacité de s’imaginer vieillissante.
Elle était unique. Et attendrissante. Et bouleversante. Je la salue et la regrette.