jocelyne robert

Le cyber espace nous force à redéfinir la notion d’intimité.

On me demande parfois pourquoi je m’intéresse au Web. Simple, j’ai toujours exercé mon métier en analysant l'impact  des faits de société sur l'individu, le couple, l'intimité…   Or, existe-t-il fait de société plus important que l’arrivée d’internet dans nos univers privés? Qui influence autant l’intimité des gens ? Qui change radicalement notre rapport aux autres ? Je ne le crois pas.

 

Le web est une nouvelle réalité. Révolutionnaire et là pour rester. Quinze ans, vingt ans, c’est un clignement de cil dans l’histoire de l’humanité. Avec la fenêtre sur le monde qu’il a ouverte dans notre maison, avec ses médias sociaux où nous évoluons désormais et qui font partie prenante de nos vies, nous sommes  irrémédiablement forcés de redéfinir notre rapport à l’intimité. Et nous sommes loin de pouvoir mesurer, maintenant, l’impact fulgurant de l’arrivée d’Internet dans toutes les sphères de l’humanité mais en particulier dans la sphère privée.

 

Dans l'intersidéral, y'a de l'amour, des fantômes et… des trous noirs

Notre vie de couple, notre vie affective, notre vie de famille ne seront plus jamais les mêmes. Il faut reconnaître cela, en prendre conscience, y réfléchir.  S’agit-il là de « vie parallèle » ? De « vie virtuelle » par opposition à notre « vie réelle » ? Je ne crois pas. Tout cela est la vie. Tout cela est réel. Ça me fait toujours sourire lorsque j’entends l’expression « monde virtuel ». Ce « monde virtuel » est aussi réel que notre monde tridimensionnel puisqu’on y qu’on y éprouve des émotions réelles.

 

Par exemple… La femme qui découvre que l’homme qu’elle aime écrit à une femme-avatar, « vous me faites rêver et je vis pour ces instants où je vous retrouve sur la toile… " est autant blessée et autant trahie que si son amant  avait failli à leur pacte de fidélité érotique. Peut-être même plus, dans certains cas.

Certains comparent l’arrivée d’Internet avec celle de la télévision ou de la radio il y a 50, 75 ans. Il n’y a aucune commune mesure ! Ces formidables médias faisaient de nous des auditeurs ou des téléspectateurs réceptifs, voire des « réceptacles ». Avec Internet, et en particulier avec les médias sociaux, nous sommes promus au statut de récepteur-émetteur. Nous devenons des acteurs, faisant partie intégrante du média. 

Un autre exemple… Je peux très bien être dans un état émotionnel de colère, engendré par une dispute avec mon conjoint et simultanément, éprouver une émotion très douce et joyeuse découlant d’un savoureux échange via Twitter.  Banal? Pas du tout.  La présence du Web dans nos vies nous place, souvent, dans une dualité émotive sans précédent. Bien sûr, la coexistence d’émotions antinomiques n’était pas impossible avant, mais elle était néanmoins rare alors qu’elle est fréquente, voire quotidienne, aujourd’hui.

J’ai toujours incité et invité les couples à bien définir leur alliance amoureuse et érotique pour éviter, autant que faire se peut, mauvaises surprises et désillusions. Quelle est notre entente de fidélité ? Jusqu’où va notre tolérance ? La fidélité est-elle synonyme d’exclusivité sexuelle ou de privilège ? D’exclusivité amoureuse ? Quel espace affectif entendons-nous nous réserver spécifiquement l’un à l’autre? Quelle sera notre ligne de conduite advenant un écart de langage corporel ? Embrasser, est-ce tromper ? etc etc

Et bien, ces questions doivent désormais être élargies et inclure le cyber espace. Flirter sur le web, est-ce tromper ? Y vivre une complicité érotique non consommée corporellement est-il acceptable ? Y éprouver des émotions émoustillantes … ? Y ressentir un béguin ? Et le temps que j’accorde à mes relations facebookoises ou twittesques , est-ce du temps volé à ma relation affective  tridimensionnelle ? Cela vient-il enrichir ou appauvrir ma vie relationnelle tridimensionnelle ?

L’internet peut être un allié. Ou un rival.  

Un allié parce qu’il ouvre les horizons et permet aux amoureux de s’ancrer aussi dans Agapè (ouverture sur le monde et sur les autres)  sans qui le couple se sclérose et est sans avenir.

Un rival parce que rien n’est plus enlevant que le monde du fantasme et du rêve. Et jusqu’à ce jour, l’intersidéral nous projette dans ce rêve, hélas bien souvent absent de nos vies "incarnées".

P.s. Ce billet m’a été inspiré par une entrevue que j'ai accordée avant-hier à Philippe Fehmiu à l’émission Le lab. Rediffusions, Canal Vox : samedi 10 déc 8h30; dim14h30 et 17h ; lundi 21h ; mardi 8h30, 13h30, 16h30

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Publié dans : Couple, Culture et Société, Médias et Actualités, Médias sociaux, Web
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20 commentaires

  • Ping de Veux-tu être mon “ami”? « Blogue personnel — 13 janvier 2012 à 11 h 52 min

    […] Je vous avoue que moi, de moins en moins. D’ailleurs, je suis assez d’accord avec Jocelyne Robert ici: […]

  • Commentaire de Renée — 28 décembre 2011 à 17 h 37 min

    Hommes et femmes, passé cinquante ans, ne sont pas des « ânes » , ni des oiseaux, ni des chameaux. Ils retrouvent au contraire une ferveur
    de l’attachement. La ménopause dépassée amène une liberté de l’étirement, la retraite, une richesse de temps.
    On utilise l’amoureux disponible, jour après jour, au chaud dans les spooning de décembre, sous la couette.
    Une nouvelle vocation amoureuse incluant aussi, parfois, la masturbation partagée .

  • Commentaire de mildred. — 27 décembre 2011 à 17 h 31 min

    Du jour où j’ai découvert que le web pouvait me fournir toute la pornagraphie possible et illicite je n’y suis plus retourner de peur de m’y laisser prendre.La jouissance perso, je l’ai pratiqué lors de mes périodes de solitude mais pas en couple.Depuis que je traverse ma ménopose je tergiverse au grès des râres rencontres vraiment valable et je me dis à chaque fois que ça n’en valait vraiment pas la peine.Les hommes passer 50 ans sont de véritable âne bâté.

  • Commentaire de Renée — 23 décembre 2011 à 20 h 02 min

    Le temps des réjouissances. Se réjouir de quo?
    Souhaitons que les gens aient joui après avoir joui.
    Que se passe -t-il entre temps?
    Je suis en pré-jouissance
    Youk

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 15 décembre 2011 à 18 h 51 min

    @ Renée
    Dans la masturbation, même non partagée , il y a toujours, sur le plan fantasmatique, une quête de l’autre…
    Bon, au dodo. Il est presqu’une heure du matin à Paris. Morphée me drague. Ulysse aussi. Au revoir Renée

  • Commentaire de Renée — 15 décembre 2011 à 18 h 46 min

    Mon plaisir personnel; une masturbation crural. Merveilleux de se bouger comme on veut.
    Sur la cuisse forte du désirable, sûrement mieux qu’une main ou un oreiller.
    Oui, je connais tout ça. Je ne voulais pas parler de moi personnellement dans le dernier courriel
    Oui, la masturbation partagée est efficace

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 15 décembre 2011 à 18 h 34 min

    @ Renée
    J’espère bien que non! Mais le virtuel EST réel. Autre que le tridimensionnel mais réel.
    Quant au « plaisir solitaire », votre vision est un peu freudienne. L’auto-érotisme, la masturbation ne sont pas réservées aux « périodes de solitude ».
    Elle peuvent faire partie intégrante d’une contexte de vie relationnel.

  • Commentaire de Renée — 15 décembre 2011 à 18 h 11 min

    L’individu humain aborde la sexualité par la masturbation progressive. C’est elle qui l’amènera vers une sexualité relationnelle. Expériences occasionnelles, multiples, sédentaires vont l’émanciper.
    Et puis, pour diverses raisons, il retrouvera des périodes de solitude où il retournera au contentement du plaisir solitaire. Pour entretenir cette flamme « personnelle », certains auront recours à la pornographie ou aux réseaux relationnels dans des rapports imprécis d’amitié, d’amour, de confidences, tout ça parfois mélangé en « vinaigrette ».
    Comme une intimité à deux vitesses, celle de son propre corps et celle des relations avec les autres pour une stimulation de tout ordre. Voilà sans doute comment le web peut aider, plus ou moins bien, l’intimité du contemporain. Passerons-nous d’une régression érotique à un érotisme virtuel?

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 14 décembre 2011 à 6 h 46 min

    @Renée Le web est une chose. L’érotisme non incarnée dans le corps en est une autre. Bien sûr, il y a des liens à faire, sans les limiter les uns aux autres.
    Je dis simplement que même si le sexe prend naissance dans le monde biologique et transite par le corps, la sexualité et l’érotisme sont bien plus larges. C’est tout.
    L’imaginaire, l’univers fantasmatique, l’illusion font partie intégrante de la réalité ( Breton, Bataille et cie). Dans cet esprit, j’ai écrit quelque part ( Le sexe en mal d’amour, je crois)
    que le grand, le vrai amour est peut-être celui après lequel on court toute sa vie …

    Pour être plus concrète, je dirais: heureusement que le » vrai sexe » n’est pas seulement celui qui est partagé car il reste, tout compte fait, rare et presque un privilège. Dans les grandes villes, une personne sur deux vit seule. Que dire des personnes fragilisées, malades, vieilles, déficientes, infirmes, laides, obèses….? Elles sont autant « sexuées et sexuelles » que les conformes, beaux, jeunes, en santé et en couple…
    ..

  • Commentaire de Renée — 13 décembre 2011 à 19 h 56 min

    « Depuis, je sais que l’érotisme va bien au delà des frottements d’épiderme ». JR
    Et les plaisirs sexuels vont où?
    et voilà web oblige.
    Avec ou sans sexe à la maison , on recherche une intrigue (?)
    Un sexe imaginaire ( Malraux)…et son musée.
    Et quand le présent est absent, on s’en souvient.

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 13 décembre 2011 à 4 h 31 min

    Oh quelle jolie réflexion DameAvatar! Merci!

  • Commentaire de DameAvatar — 12 décembre 2011 à 20 h 06 min

    Quel sujet important que vous nous lancez!Internet, comme tout ce qui nous est loin mais familier, peut devenir ce lieu ou l’on se cache, lieu par excellente de fuite d’une situation amoureuse banale, bancale, frigorifiée, décousue, en jachère. On y retrouve la complicité perdue. On y boit d’autres mots, un intérêt, on y sourit à d’autres plaisanteries. Planche de salut, divertissement pur, sensualité et séduction retrouvées, il peut être l’allumeur de la flamme, mais plus souvent il est le rempart de l’ennui.

    Merci, Jocelyne.

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 13 décembre 2011 à 4 h 45 min

    @Renée @Catherine "Je sens donc je suis" oui, à condition de reconnaître qu'on sent aussi avec l'esprit. L'homme le plus érotique que j'ai croisé au cours de ma vie était ce qu'on appelle "un blessé médullaire" . Perte totale de sensations, des fonctions génitales. Il faisait partie des personnes que j'avais à interviewer dans une institution de longue durée, la direction ayant décidé d'améliorer la qualité de vie affective (et érotique) des résidents. Cet homme avait un univers fantasmatique d'une densité, d'une richesse, d'une texture…. Une qualité du plaisir érotique duquel le toucher était absent.Du jamais vu. De l'inédit pour moi. Depuis, je sais que l'érotisme va bien au delà des frottements d'épiderme, de l'emboitement des corps… Et, comme Catherine ( 09-12), je suis d'avis que l'érotisme peut-être relationnel sans être incarné dans le partage charnel… Ce sont les émotions qui sont réelles. Bien plus que les canaux via lesquels elles transitent.

  • Commentaire de Renée — 10 décembre 2011 à 17 h 42 min

    Utopia,
    Mot venant du grec utilisé par Thomas More, en 1516, désignant un non lieu qui n’existe pas …encore.
    1969, « la fin de l’utopie » d’Herbert Marcuse.
    Dans ces années soixante, on espérait la société des loisirs. Est-elle arrivée? Sur internet oui. Loisirs de l’interaction, vélo stationnaire qui fait du bien à mon besoin de communication.
    Ceci étant présenté, revenons au sujet de JR. : « web oblige, redéfinir l’intimité ». J’aime que le sujet revienne sur le tapis. Tapis non encore usé.
    Ce que je déplore est qu’il ne faudrait pas répéter des stéréotypes et penser que les femmes, sur le web, devront y être prudentes et les hommes intéressés. Les femmes des courtisées et les hommes des courtisans. L’intimité, laquelle? Le sexe , l’âge, la face, le contexte.
    Si les hommes ont le pouvoir de développer le double standard, quel sera leur prudence à eux?

    À Mario : l’après Descartes. Condillac et son « Traité des sensations »…Je sens donc je suis. XVIIIe s. De l’importance du toucher dans le besoin d’aimer, de se rappeler, en fermant les yeux.
    Renée

  • Commentaire de isidore wasungu — 10 décembre 2011 à 15 h 30 min

    Je savais en m’abonnant à votre blog que j’allais vers une grande mine de précieuses réflexions. Depuis, je lis donc tout ce que vous écrivez et c’est tellement édifiant. Ton présent texte me fait penser au « choc du futur » d’Alvin Toffler. Je pense que nous y sommes en plein! Quelques uns en sortiront meurtis ou mêmes avalés, mais l’humanité dans son ensemble en sortira gagnante en sachant une fois de plus s’y adapter.

  • Commentaire de Mario Bellavance — 10 décembre 2011 à 9 h 24 min

    Mardi matin, le commentaire du jour sur le blogue de Jocelyne Robert rappelle les événements du 6 décembre. Sur twitter, j’apprends qu’il y aura un rassemblement au Palais de justice de Montréal. Je m’y rends avec enthousiasme. Je vis la solennité du moment. Du coup, je traverse de l’autre côté du miroir, je deviens acteur. Télé-réalité? Web-réalité? Le lendemain, je lis le commentaire de Solange Chiasson : «le 6 décembre …, une belle petite fille est née dans ma famille.» Petit bout de femme, compte tenu des événements passés, elle serait déjà porteuse d’un message. Complément de nouvelle. Bonne nouvelle!!! Voici la magie des communications électroniques au quotidien avec ses sauts dans la réalité et la vie personnelle… Réalité du 21e siècle : Bonjour! Aussi, paraphrasant Descartes et son célèbre Je pense donc je suis, j’affirme : Réalité nouvelle, j’y suis! Et vous?

  • Commentaire de Solange Chiasson. — 9 décembre 2011 à 20 h 59 min

    Je suis assez active sur le web, je lis les nouvelles là-dessus, plutôt que dans les journaux,recherches diverses, ect… Et j’avoue aimer échanger avec les gens.
    Que ce soit sur Facebook avec mes amis,Twitter aussi ou je suis de plus en plus à l’aise au fil des semaines…
    Par contre, j’y ai retrouvé 1 ou 2 amis de jeunesse masculin, ou l’ambiguité s’est installée de leur côté,pensant que j’avais pour eux un intérêt autre qu’amical, alors que moi c’était davantage le plaisir de placoter avec des gens de mon passé.
    Je suis plus réservée maintenant à ce niveau.
    Et comme beaucoup de femmes, je refuse les demandes d’amis-hommes que je ne connais pas car ce n’est nullement mon but de briser mon couple pour des chimères…

  • Commentaire de Renée — 9 décembre 2011 à 17 h 55 min

    « le buldozer et la femme de tête ». Personnellement je n’ai jamais eu l’air de ça.
    La courtoisie renouvelée sur internet: L’âme soeur , la pierre rare.
    Le ou la domestique pour le quotidien. Heureux spooning de la chair à caresser.
    Vous seriez étonnés de savoir ce que les internautes y recherchent, sur le web.
    Un confesseur des états d’âme. En sécurité devant le ronron de l’ordi et de sa luminosité.
    « Redéfinir l’intimité ». Les ravages de l’amour « plafonique » alimentant
    le cérébral, l’âme sans sexe.
    Pour aimer ou jouir , il ne faut pas que des mots mais mettre la main à la pâte
    Aborder une sexualité relationnelle

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 9 décembre 2011 à 15 h 53 min

    Merci infiniment Catherine pour ce partage si juste et si touchant.

  • Commentaire de Catherine — 9 décembre 2011 à 15 h 43 min

    Mes relations sont très diverses sur le web, mais certains vraiment très prenantes. J’y ai construit des amitiés. Il m’est arrivé de flirter. J’ai même mis fin à des relations avec une difficulté similaire que si elles avaient eu lieu dans la « vraie vie » (expression que je déteste tout comme toi).

    Il y a pour moi une intimité de coeur très présente en ligne. Je crois que les gens qui me côtoient au quotidien voient plus en moi le bulldozer et la femme de tête et de succès que celle qui doute. Sur les médias sociaux, les gens voient les deux.

    J’ai une image qui m’obsède un peu ces jours-ci, une image fantasmée. Comme un symbole. C’est moi, recroquevillée, assise au sol, un peu souffrante et je place ma main sur un écran. Je place ma main sur un écran parce que l’autre côté il y a une autre main qui me réchauffe. Un peu comme si nous étions assis de chaque côté d’une vitre et que la correspondance de nos mains était en soi un signe de solidarité, d’écoute.

    Alors les gens diront: « Traversez le miroir, choisissez la vraie vie! » Oui, bien sûr, mais pas trop non plus. La distance, l’absence du corps, dans certains cas, permet d’ouvrir d’autres zones de l’âme. Je tiens à la richesse particulière de ces relations où l’écran sert de fenêtre sur l’essentiel de l’autre: ses mots. Et ses silences de mots.

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