C’est sur un plateau de télé, il y a 2 ou trois ans, que j’ai compris que la misogynie féminine existait. En fait, je l’ai senti plus que je ne l’ai compris. Je me suis faite ramasser, gratuitement, sans le moindre argument intelligent, avec une véhémence si inouïe que j’en ai presque subi un choc! La grogne venait d’une autre femme. Que j’admirais !
Misogynie : haine ou mépris des femmes
Les femmes peuvent-elles être misogynes ? Oui.
La misogynie des femmes: moins "naturelle" que celle des hommes
Si la misogynie des hommes reflète leur perception d’une infériorité féminine "naturelle", je ne crois pas que cela soit le cas pour la misogynie féminine. Je serais plutôt d’avis que les obstacles et difficultés inhérentes à leur vie de femme, personnelle ou professionnelle, les entraîneraient vers des stratégies de défense les conduisant à se protéger de celles qui pourraient leur porter ombrage.
Certain-es postulent que la misogynie féminine puiserait ses racines dans l’inconscient de la rivalité mère-fille. Qu’une sorte de complexe d’Électre non résolu laisserait la femme adulte misogyne dans la peur que l’autre femme capte davantage de lumière. Je ne partage pas cette idée et j’y reviendrai peut-être dans un autre billet.
Annick Houel, auteure de nombreux livres traitant de la psychologie sociale explique qu’il y a un manque notable de solidarité, entre les femmes au travail par exemple. Alors qu’elles devraient se soutenir mutuellement dans une société où existe toujours un clivage important entre les conditions de travail des femmes et celles des hommes, elles se craignent. Comme si la part du gâteau de l’une pouvait priver l’autre de la sienne. Elle constate aussi que les plaintes pour harcèlement moral en milieu de travail viennent plus souvent de femmes, contre des femmes. Certaines vont jusqu’à décider de ne pas travailler avec d’autres filles, ce que la professeure appelle de la «misogynie contre soi». Ces femmes sont incapables de se positionner d’égale à égale ou n’acceptent pas l’autorité venant d’unE supérieurE. Elle donne l’exemple de l’infirmière qui accepte moins les ordres donnés par une chirurgienne que par un chirurgien.
On serait tenté de croire que les femmes misogynes sont les plus soumises et les plus dépendantes. Que les femmes éduquées, instruites, celles qui sont dans les hautes sphères du pouvoir, qui ont réussi, qui sont des influenceures sont moins misogynes. Détrompons-nous. Celles-là ne seraient pas plus solidaires des autres femmes, pas plus « concrètement » féministes et ne feraient pas plus de place à leurs semblables. Selon la chercheuse, ce serait souvent le contraire : Nombre de femmes qui ont réussi se désolidarisent totalement de leurs consoeurs comme si elles en avaient honte. Elles auront tendance à s’entourer d’hommes comme si, ayant atteint le statut des boys, elles en faisaient désormais partie. Parfois au détriment de toute manifestation de séduction inhérente à la relation. Et parfois, au contraire, avec une séduction exacerbée.
Serait-il possible que les femmes qui sont au top ne comprennent pas que toutes les femmes n'aient pas les mêmes qualités d'intelligence ou de réflexion qu'elles mêmes ? À moins qu’elles ne souhaitent tout simplement pas qu'elles les aient ses qualités…? La méchanceté est-elle proportionnelle au niveau de réussite? Pas du tout. Leur attitude ne ferait que témoigner de la profonde détestation de soi que les fillettes ont bien assimilée. Au bout du spectre, la femme qui s’en prend avec virulence, ou avec plus de virulence, à tout ce qui est "femme", s’en prend d’abord à elle-même.
Certaines, qui avouent une forme de misogynie en elles, admettent parfois ne pas supporter le manque de courage ou de pugnacité de leurs pareilles alors qu’elles, se sont donné de grands coups de pied au cul pour avancer. S’agit-il alors de misogynie ou d’un vague mépris teinté de tristesse ? Je ne sais trop.
Florilège de propos historiques, misogynes et féminins
Je me console d’être femme en songeant que de la sorte, je n’en n’épouserai jamais une. Lady Montagu (1689 – 1762)
Il n’y a qu’un moyen de faire un bel éloge d’une femme, c’est de dire beaucoup de mal de sa rivale . Madame de Girardin (1804 – 1855)
Il y a des femmes honnêtes comme il y a des vocations manquées. Augustine Brohant (1824 – 1893)
Il est prudent de croire au mystère de la femme, cela lui en donne un. Nathaly Clifford Barney (1910)
Le silence est la seule chose en or que les femmes détestent. Mary Wilson Little (contemporaine)
Pourquoi est-ce que je rapporte ces propos méprisants? Pour que l’on comprenne que cela prendra plus qu’un petit siècle de féminisme et de mouvements de femmes pour extraire le ver de la détestation d'elles mêmes qui ronge les femmes. Pour qu’on reconnaisse la somme de travail qu’il nous reste à accomplir pour que les femmes s’aiment et qu’elles cessent de se mortifier. Elles le font de façon différente aujourd'hui, si on compare à hier, mais elles le font tout autant, sinon plus : anorexie, régimes yoyo, folie des transformations esthétiques etc etc ). Tant et aussi longtemps que les femmes feront semblant de s'aimer, elles transmettront le ver. De mère en fille.
Voilà. Si les femmes kamikazes, les femmes violeuses ou pédophiles sont rarissimes, ne nous racontons pas de sornettes : Les femmes misogynes ne sont pas rares et l’explication sociale ou psychanalytique du phénomène ne l’excuse pas.
N.v.: Ce billet a aussi été publié dans le Huffington Post Québec du 14 mars 2012