Jamais un phénomène sexo-physiologique n’a autant été récupéré par la pornographie. Il suffit de taper « éjaculation féminine » dans Google pour être téléporté au milieu d'un harem de « pétasses bien baisées », grâce, bien sûr, au bâton des grands sourciers…
L’expression même est mal choisie puisque la manifestation n’a rien a voir avec l’éjaculation masculine qui consiste en l’émission de sperme. Cela montre bien, encore une fois, l’historique tendance à expliquer la femme par l’homme et à fonder, à tort, l'érotisme féminin sur l'érotisme masculin.
On parle aussi de femmes sources, de femmes fontaines. C’est à la psychanalyste Frédérique Gruyer qu’on doit cette expression dont elle fit le sous-titre d’un livre en 1984. Ces appellations, plus empreintes de poésie, portent néanmoins une connotation de supériorité agaçante: si tu n’es pas fontaine qui es- tu ? Une femme gouttelette…?
Qu’en est-il du phénomène et du liquide-mystère expulsé?
Il s’agit d’une expérience vécue par un certain nombre de femmes consistant en l’expulsion en jets, parfois puissants, d’un liquide, pendant l'orgasme, ou en cours d’activité sexuelle. Peu de femmes en parlent. Le mystérieux liquide serait clair et moins visqueux que le lubrifiant vaginal. Et la quantité « éjaculée » varierait énormément d’une femme à l’autre, et selon l'intensité de l’excitation sexuelle. Ce liquide est expulsé par l’urètre et non par le vagin.
Si on est unanime à reconnaître l’existence du phénomène, les chercheurs, médecins, scientifiques, sexologues ne s’entendent pas sur les propriétés du liquide émis.
Grafenberg et Wipple croient qu’il est unique et spécifique. Pour Masters & Johnson, ainsi que pour Kaplan, il s’agit d’un dysfonctionnement urinaire lors des contractions provoquées par l'orgasme et cette eau serait essentiellement constituée d’urine.
Schubach a voulu en avoir le cœur net . Il a installé un cathéter via l’urètre dans la vessie de femmes volontaires qui déclaraient avoir régulièrement des « éjaculations ». Une émission de liquide, déclenchée lors de masturbations accompagnées d’orgasme, a effectivement été observée. Le liquide analysé s’est révélé être constitué essentiellement d’urine mêlée d’un peu de sécrétion provenant des glandes de Skene.
Cette dernière étude est intéressante, bien au delà de l'analyse des propriétés du liquide. Elle vient contredire:
1. L’idée souvent émise par de nombreux hommes et par des « femmes éjaculatrices » que ce type d’orgasme puisse être dépendant de la qualité de la relation à l’autre et de la capacité d’abandon et de confiance
2. L’hypothèse à l’effet que « l’orgasme éjaculatoire féminin » soit exclusivement le lot ( je n’ai pas écrit le gros lot) d’un érotisme vaginal et d’une stimulation de la région du point G
3. La croyance colportée à l’effet que la baguette du sourcier soit indispensable et nécessaire au jaillissement de la fontaine
Distinguer le vrai …
- Le phénomène existe
- Les mécanismes liés à son activation sont très controversés
- Entre 10 et 40% des femmes l’expérimenteraient
- Pour certaines, l’expérience est récurrente et régulière alors que d’autres l’ont éprouvée une seule fois ou à l’occasion
- La quantité de liquide varie et ne se mesure pas toujours en litres, comme le prétend la pornographie
- Toutes les femmes ne se glorifient pas d’éprouver cette expérience. Nombreuses sont celles qui demandent à être « guéries ». Elles en ont marre de devoir changer la literie à chaque relation sexuelle et plusieurs freinent leur sexualité tant cela leur est pénible .
… Du faux
- Le phénomène n’est pas systématiquement associé à l’orgasme (certaines femmes sont capables de se « faire éjaculer » sans éprouver le moindre orgasme)
- Il n’a jamais été mesuré que l’orgasme « éjaculatoire féminin » était plus intense ou supérieur.
J’espère que ce survol de la question rassurera un peu TOUTES les femmes. Et surtout, que celles qui n'expériment pas l'expérience, autant que celles qui l'éprouvent, cesseront de se laisser tourmenter par la quête d'une peudo normalité ou d'une performance présentée comme ultime.