Danièle, journaliste pour un grand magazine français m'envoie cette question: " Le bonheur est-il dans la sexualité?" Quelle drôle de question, ai-je pensé en fermant mon courrier électronique.
Le bonheur n' est certes pas dans la sexualité. Il n'y est pas en résidence! Ce serait trop facile. À preuve, de nombreuses personnes qui ont une sexualité très satisfaisante sans être heureuses.
De plus, le bonheur sexuel, lequel ne représente qu'un petite pointe de la tarte, ne prend pas place seul, verticalement. Il se plante dans un décor où se côtoient l'intérêt pour la vie, la joie de faire et d'agir, le goût de partager avec une personne privilégiée… On peut avoir l’orgasme alerte, en ressentir tout un cortège et se sentir inassouvi après.
Par ailleurs, il arrive qu’une jouissance chancelante soit escortée d’une intense satisfaction et d’une délicieuse plénitude relationnelle. J’ai rencontré quantité de femmes, « jouisseuses spontanées , mécontentes et insatisfaites de leur vie érotique et de leur relation. De nombreux hommes aussi, bien performants sexuellement et malheureux comme des pierres. Le sexe n'est pas une police d’assurance contre la déception amoureuse, contre la déception de soi ou la déception tout court.
Il ne faut pas confondre plaisir et bonheur. Il y a le plaisir lié à la sexualité. Il réside souvent dans l'orgasme qui nous propulse au ciel. Et il y a le bonheur lié à la sexualité, quand celle-ci insuffle du sens et de la plus saveur à notre vie, quand elle illumine notre estime de soi, quand elle développpe la fierté d'être une femme ou d'être un homme.
Les études le montrent: c'est l'engagement qui est le seul élément constitutif du bonheur. Et ce, dans tous les domaines de la vie: amoureux, professionnel, familial, social, politique…
L'engagement prend toutes sortes de formes et s'inscrit dans un processus dynamique: construire quelque chose, créer un objet, écrire ce billet, suivre un cours, bâtir une relation, embrasser une cause, accompagner un enfant, poursuivre un objectif…
On ne peut pas faire des petits tas de bonheur ou en congeler des petites portions
J'ai souvent demandé aux gens ce qui les rendaient heureux, ce qu'était le bonheur pour eux. Presque toujours, on répond que c'est quand on est bien actif, bien pris dans quelque chose, bien créatif, qu'on se sent heureux, utile. Le bonheur n'est surtout pas statique et figé. Il n'est pas non plus un objet de consommation ou une chose qu'on accumule. On ne peut pas faire des petis tas de bonheur, ni en mettre à la banque, ni en congeler des petites portions.
En ce moment, avec cette effervescence que l'on éprouve au Québec, liée au mouvement étudiant, à l'impulsion de solidarité entre les personnes, aux retrouvailles avec le rêve et l'espoir, il y du bonheur tout plein. De la colère, de la fatigue, de l'indignation, mais un immense sentiment de bonheur. Bonheur de bouger, d'avancer, de s'indigner, de "colérer" et décolérer… Bonheur d'être vivant et en évolution plutôt que pétrifiés et en régression.
Le bonheur est libre.
Il ne se laisse pas enfermer. Il est mouvant, évolutif, changeant. Comme la vie.
Je ne crois pas aux recettes ou aux secrets du bonheur. Il y a autant de bonheurs que d'êtres humains. La seule chose dont je suis certaine: il est toujours lié aux autres. L'enfer, c'est les autres disait Sartre. Mais le bonheur aussi, c'est les autres.
Pensez-y… Être tout fin seul au paradis, quel enfer ce serait !