J’entends ici par sexologisme, ce réductionnisme professionnel lié à un snobisme social, amenant à percevoir le sexologue, comme un professionnel de bas étage, comme un strict praticien et expert en quincaillerie génitale. *
La sexologuophobie, vous l’avez deviné, consiste, au pire, à haïr les sexologues et au mieux, à les craindre comme la peste. Entre les deux, ce qui est le plus fréquent, elle témoigne d'un mépris de ceux et celles qui pratiquent la sexologie.
C’est clair : Vous faites tous du sexologisme !
Personne ne s'étonne qu'avocats, peintres en bâtiments, médecins, professeurs, artistes, gens d'affaires, journalistes, informaticiens, vendeurs, économistes, sportifs, écrivains, sociologues, éboueurs, astronomes etc. aient des opinions politiques, réfléchissent et s'expriment dans des dossiers autres que ceux émanant de leur champ professionnel respectif.
Alors, qu’on m’explique pourquoi tant de gens sont tantôt surpris, voire sur le cul (désolée du mauvais jeu de mots), tantôt agacés qu'un sexologue ait une vision sociale, une pensée politique, des opinions citoyennes ? Celui-là devrait-il être aveugle à ce qui ne lui pend pas bout du sexe ? Celle-ci devrait-elle ne pas voir plus large que sa stricte discipline ? Tout le monde a un sexe, curés inclus, Harper inclus.
Tout le monde a une tête, sexologues inclus. Chaque personne se sert de l’un et l’autre à sa façon, rarement à leur plein potentiel. Et cela n’a rien à voir avec le métier ou la profession exercée. Il y a des politiciens, des stars ou des sportifs qui ne pensent qu’au cul, ou presque. Je ne nommerai personne, tout le monde le sait. Il y a des sexologues qui ne vibrent que pour la politique, les arts ou le sport. Ou presque.
Ces derniers temps, la grève générale étudiante, la crise sociale puis la campagne électorale, ont entraîné les habitués des médias sociaux à en remettre et à en découdre plus énergiquement encore qu’à l’accoutumé. Cette atmosphère houleuse a aussi donné envie à plusieurs de s’initier à la parole publique. Les gens se sont mis à distiller ça et là leurs opinions sociales, politiques et idéologiques, à débattre. Souvent, cela virait carrément en engueulades, en invectives et insultes. C’est dans ce contexte que j'ai éprouvé le besoin de revenir sur cette question de la sexologuophobie et du sexologisme sur laquelle j’ai déjà écrit. Il m’a semblé que le phénomène prenait de l’ampleur, se vitalisait.
En effet, je ne compte pas le nombre de fois qu’on m’a dit au cours de ces 6 derniers mois que je devrais me cantonner au sexe et me la fermer ! Et lorsqu’on n’était pas d’accord avec mes idées, et à court d’arguments, on y allait allègrement d’un: C’est pas sa faute, son niveau n’est pas très élevés puisqu’il est sous la ceinture. Ou encore d’un: Eille ! C’est pas la place de la bagatelle icitte là, retourne à tes films porno »
Dans un cerveau de pois chiche, un sexologue ne peut avoir d’idéal de société, il ne peut être ni de droite ni de gauche. Juste de centre. De centre-bas, évidemment.
Sur Twitter, Facebook et aussi sur les blogues…
Nul ne se surprend que le docteur Untel émette des idées citoyennes ou que le professeur Machin prenne position sur une question socio-politique. Je parie ma chemise de nuit que jamais l’un ou l’autre ne reçoit de commentaires ou de mentions tel: Hon….! Je n’imaginais pas que vous vous intéressiez à ça ! Ou Ah ! On ne vous connaît pas ce genre de discours… Sans compter ces propos méprisants, farcis de fautes d’orthographe: Tu ne connais rien à la politique et à l’économie ces pour ca que t’est sexologue. Reste dans ta cuisine avec tes sex toy (sic)
Certes, ce genre de commentaire fielleux, sexiste et misogyne, en plus d’être sexologuophobe, est cas d’exception. Mais ces Oh et ces Ah baba, prononcés ou muets, devant le professionnel de la sexologie qui a une culture générale solide, littéraire, politique, économique, philosophique ou sociologique sont généralisés. Comme si, dans la caboche du commun des mortels, on ne pouvait avoir mené des études universitaires en érotologie sans devenir complètement dingue et sans s’être totalement désintéressé du non-sexe.
Je n’en reviens pas. Il faut vraiment que quelque chose cloche pour penser ainsi . Avouez.
Attention, je sais bien que n’importe qui peut être victime d’attaques ou de propos impertinents et condescendants en lien avec son métier. Je ne joue pas les victimes, je tente juste de montrer des attitudes ségrégationnistes à l’égard d’une profession.
Ma fille est avocate criminaliste, il lui arrive de subir des invectives en raison de son métier ( du genre tous des voleurs et autres lieux communs insignifiants) mais je ne crois pas qu'elle se fasse dire : Eille chose, occupe-toi de tes bandits et ne vient pas nous parler de questions sociales! Pas plus que mon ami médecin ne se fait ordonner de se contenter de soigner ses malades et de ne pas se mêler des choses politiques. Moi si. Régulièrement, je me fais dire de rester dans le carré de sable de la sexualité .
Tiens, ce tweet récent, aussi chiant que poli: De grâce, concentrez-vous sur la sexologie, cette chose futile … que vous connaissez . Notez que cette charmante personne se présente « Citoyenne avant tout » dans sa mini-bio. C’est tout dire de sa contradiction abyssale. Parlant de Twitter, je ne m’étendrai pas sur les bien pensants qui ne partagent, ne relaient ni ne diffusent ouvertement les propos solides, étoffés et originaux venant de sexologues pour ne pas être associés à ces impurs et peu nobles twitteux mais qui les reprennent en les adaptant un brin et en se les appropriant.
Pourquoi ce traitement tartuffe, réducteur et révélateur?
Oui, ça m'énerve. Non, cela ne m’atteint pas personnellement. Oui, cela m’atteint à titre de citoyenne et de membre de ma collectivité. Je juge ce traitement tartuffe, plus ou moins concscient, extrêmement révélateur de notre évolution, humaine et sociale.
Pas une profession, pluridisciplinaire, contingentée et nécessitant autant d’années d'étude universitaire n’est aussi souvent victime d'un tel déni et d'une telle condescendance. Pourquoi donc…? Si le chapeau vous va, pensez-y . S’il ne vous va pas, pensez-y quand même.
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* Le sexologisme peut avoir d’autres sens. À un premier niveau, il consiste à expliquer les conduites sexuelles uniquement par des facteurs sexuels, séparant la sexualité de l'ensemble de la personne et de la société. C’est ce que font plusieurs professionnels. C’est ce que ne font jamais les sexologues.
Vous pouvez vérifier l'exactitude de tous les citations en italique, soit en remontant mon fil Twitter, soit en allant vous promener dans les commentaires publiés sur le présent blogue ou sur mon blogue du Huffington Post