jocelyne robert

J’entends ici par sexologisme, ce réductionnisme professionnel lié  à un snobisme social, amenant à percevoir le sexologue, comme un professionnel de bas étage, comme un strict praticien et expert en quincaillerie génitale. *

La sexologuophobie, vous l’avez deviné,  consiste, au pire, à haïr les sexologues et au mieux, à les craindre comme la peste.  Entre les deux, ce qui est le plus fréquent, elle témoigne d'un mépris de ceux et celles qui pratiquent la sexologie.

C’est clair : Vous faites tous du sexologisme ! 

Personne ne s'étonne qu'avocats, peintres en bâtiments, médecins, professeurs, artistes, gens d'affaires, journalistes, informaticiens, vendeurs, économistes, sportifs, écrivains, sociologues, éboueurs, astronomes etc. aient des opinions politiques, réfléchissent et s'expriment dans des dossiers autres que ceux émanant de leur champ professionnel respectif. 

Alors, qu’on m’explique pourquoi tant de gens sont tantôt surpris, voire sur le cul (désolée du mauvais jeu de mots), tantôt agacés qu'un sexologue ait une vision sociale, une pensée politique, des opinions citoyennes ? Celui-là devrait-il être aveugle à ce qui ne lui pend pas bout du sexe ? Celle-ci devrait-elle ne pas voir plus large que sa stricte discipline ? Tout le monde a un sexe, curés inclus, Harper inclus.

Tout le monde a une tête, sexologues inclus.  Chaque personne se sert de l’un et l’autre à sa  façon, rarement à leur plein potentiel.  Et cela n’a rien à voir avec le métier ou la profession exercée.  Il y a des politiciens, des stars ou des sportifs qui ne pensent qu’au cul, ou presque.  Je ne nommerai personne, tout le monde le sait.  Il y a des sexologues qui ne vibrent que pour la politique, les arts ou le sport. Ou presque.

Ces derniers temps, la grève générale étudiante, la crise sociale puis la campagne électorale, ont entraîné les habitués des médias sociaux à en remettre et à en découdre plus énergiquement encore qu’à l’accoutumé. Cette atmosphère houleuse a aussi donné envie à plusieurs de s’initier à la parole publique.  Les gens se sont mis à distiller ça et là leurs opinions sociales, politiques et idéologiques, à débattre. Souvent, cela virait carrément en engueulades, en invectives et insultes. C’est dans ce contexte que j'ai éprouvé le besoin de revenir sur cette question de la sexologuophobie et du sexologisme sur laquelle j’ai déjà écrit. Il m’a semblé que le phénomène prenait de l’ampleur,  se vitalisait.

En effet, je ne compte pas le nombre de fois qu’on m’a dit au cours de ces  6 derniers mois que je devrais me  cantonner au sexe et me la fermer ! Et lorsqu’on n’était pas d’accord avec mes idées, et à court d’arguments, on y allait  allègrement d’un: C’est pas sa faute, son niveau n’est pas très élevés puisqu’il est sous la ceinture. Ou encore d’un:  Eille ! C’est pas la place de la bagatelle icitte là, retourne à tes films porno »  

Dans un cerveau de pois chiche, un sexologue ne peut avoir d’idéal de société, il ne peut être ni de droite ni de gauche. Juste de centre. De centre-bas, évidemment.  

Sur Twitter, Facebook et aussi sur les blogues…

Nul ne se surprend que le docteur Untel  émette des idées citoyennes ou que le professeur Machin  prenne position sur une question socio-politique. Je parie ma chemise de nuit que jamais l’un ou l’autre ne reçoit de commentaires ou de mentions tel: Hon….! Je n’imaginais pas que vous vous intéressiez à ça ! Ou  Ah ! On ne vous connaît pas ce genre de discours…  Sans compter ces propos méprisants, farcis de fautes d’orthographe:  Tu ne connais rien à la politique et à l’économie ces pour ca que t’est sexologue. Reste dans ta cuisine avec tes sex toy (sic)

Certes, ce genre de commentaire fielleux, sexiste et misogyne, en plus d’être sexologuophobe, est cas d’exception. Mais ces Oh et ces Ah baba, prononcés ou muets, devant le professionnel de la sexologie qui a une culture générale solide, littéraire, politique, économique, philosophique ou sociologique sont généralisés.  Comme si,  dans la caboche du commun des mortels, on ne pouvait avoir mené des études universitaires en érotologie sans devenir complètement dingue et sans s’être totalement désintéressé du non-sexe.

Je n’en reviens pas. Il faut vraiment que quelque chose cloche pour penser ainsi . Avouez.

Attention, je sais bien que n’importe qui peut être victime d’attaques ou de propos impertinents et condescendants en lien avec son métier. Je ne joue pas les victimes,  je tente juste de montrer des attitudes ségrégationnistes à l’égard d’une profession.

Ma fille est avocate criminaliste, il lui arrive de subir des invectives en raison de son métier ( du genre tous des voleurs et autres lieux communs insignifiants)  mais je ne crois pas qu'elle se fasse dire : Eille chose, occupe-toi de tes bandits  et ne vient pas nous parler de questions sociales!   Pas plus que mon ami médecin ne se fait ordonner de se contenter de soigner ses malades et de ne pas se mêler des choses politiques. Moi si.  Régulièrement, je me fais dire de rester dans le carré de sable de la sexualité . 

Tiens, ce tweet récent, aussi chiant que poli:  De grâce, concentrez-vous sur la sexologie, cette chose futile … que vous connaissez .  Notez que cette charmante personne se présente « Citoyenne avant tout » dans sa mini-bio. C’est tout dire de sa contradiction abyssale. Parlant de Twitter, je ne m’étendrai pas sur les bien pensants qui ne partagent, ne relaient ni ne diffusent ouvertement les propos solides, étoffés et originaux venant de sexologues pour ne pas être associés à ces impurs et peu nobles twitteux mais qui les reprennent en les adaptant un brin et en se les appropriant. 

Pourquoi ce traitement tartuffe, réducteur et révélateur?

Oui, ça m'énerve. Non, cela ne m’atteint pas personnellement. Oui, cela m’atteint à titre de citoyenne et de membre de ma collectivité. Je juge ce traitement tartuffe, plus ou moins concscient, extrêmement révélateur de notre évolution, humaine et sociale.

Pas une profession, pluridisciplinaire, contingentée et nécessitant autant d’années d'étude universitaire  n’est  aussi souvent victime d'un tel déni et  d'une telle  condescendance. Pourquoi donc…? Si le chapeau vous va, pensez-y . S’il ne vous va pas, pensez-y quand même. 

__________________  

* Le sexologisme peut avoir d’autres  sens. À un premier niveau, il consiste à expliquer les conduites sexuelles uniquement par des facteurs sexuels, séparant la sexualité de l'ensemble de la personne et de la société.  C’est ce que font plusieurs professionnels. C’est ce que ne font jamais les sexologues. 

Vous pouvez vérifier l'exactitude de tous les citations en italique, soit  en remontant mon fil Twitter, soit en allant vous promener dans les commentaires publiés sur le présent blogue ou sur mon  blogue du Huffington Post 

 

Pin It
Publié dans : Billet d'humeur ou d'humour, Culture et Société, Médias sociaux, Opinion, Sexologie, Sexosophie, Sexualité et Sexologie, Web
Avec les mots-clefs : , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

12 commentaires

  • Commentaire de LIsa Hudon — 26 octobre 2012 à 12 h 21 min

    Bonjour Madame Robert,

    Je crois que les gens méprisent la sexologie, car ils pensent que leur expérience sexuelle leur confère certaines connaissances valides… Par exemple, dans un voyage aux États-Unis avec des amis, la discussion tombe sur le point G. Mon ami me demande, « c’est quoi le point G? » En tant que future psychologue et sexologue, je lui donne une définition tout à fait valide du point G. Il me reprend alors fièrement avec une définition toute faite qu’il a probablement vue quelque part, comme si la mienne n’était pas bonne, alors que les 2 étaient bonnes… Je pense que nous baignons tellement dans un monde plein de sexualité que les gens minimisent le travail du sexologue, mais c’est justement là qu’il prend tout son sens. Les gens baignent tellement dans une fausse image de la sexualité que beaucoup sont déconnectés de ce que ça devrait vraiment être. Pourquoi alors les gens viennent-ils vous voir pour des troubles sexuels, des problèmes amoureux… Pourquoi alors vivons nous à l’ère où il n’y a jamais eu autant de célibataires, de gens amoureux et de couples qui ne s’aiment plus?

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 19 septembre 2012 à 17 h 33 min

    J’adore.

  • Commentaire de Renée Dion — 19 septembre 2012 à 17 h 19 min

    Alphone Allais 1854-1905.
    Ses chroniques, du comique fondé sur l’absurde et la mystification.
    « On devrait déménager les villes à la campagne, elles y seraient moins polluées ».
    Youk

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 17 septembre 2012 à 12 h 12 min

    Tous l’imbécile de quelqu’un … peut-être … Pour cela qu’il ne faut pas trop se prendre au sérieux.  

    Comment il disait déjà,  Alphonse Allais…? « Les gens qui ne rient jamais ne sont pas sérieux… »  Tellement juste.  

  • Commentaire de David Bérubé — 17 septembre 2012 à 11 h 43 min

    Nous sommes tous l’imbécile d’un autre. Personne n’y échappe, bien que plusieurs croient y échapper par un égo trop gros. C’est ce côté-là qui est amusant selon moi. Ce matin, vous, moi et d’autres, nous amusons des gens parce qu’ils nous trouvent vraiment mais vraiment imbécile. Et la roue tourne. Vie d’amour de paix et de tolérance, yeape, right.

  • Commentaire de David Bérubé — 17 septembre 2012 à 10 h 06 min

    Madame Robert, j’aimerais savoir quelque chose s.v.p. Est-ce que vous avez l’impression qu’on méprise vos opinions autres que la sexualité depuis internet ou avant c’était la même chose. Je veux dire, est-ce que les remarques désobligeantes sont que sur internet ou avant 1996, vous en receviez face à face. Depuis que nous pouvons nous cacher comme des pissous derrière un écran pour dévaloriser, ça facilite le travail des pleutres.

    De plus, Lise Ravary comme exemple. Elle est journaliste, mais elle se fait dire de retourner à ses recettes de châtelaine et qu’elle n’a pas la compétence de rédiger des chroniques sur la politique et les événements diplomatiques dans le monde.

    On l’attaque sur son poids parce qu’elle est très cultivée et très très informée. C’est faible, non ? Ça me rage tellement pour elle. Réduire une journaliste à ses chaudrons, ça semble donner une illusion de pouvoir. Étrange.

    Et puis, je ne crois pas que c’est la profession, la cause première. Je crois que ce sont les gens. Vous on méprise votre profession, moi on méprise quelquefois mes opinions parce que je suis que selon eux que serveur dans un restaurant à l’aise de Québec. Un serveur qui se politise de plus en plus pour lui et ses enfants, MES enfants, et qui a le goût d’échanger, de s’impliquer dans la collectivité, non impossible..Tu vois le genre ? Là, je parle ici avec des gens réels et non virtuels. Du face à face. Serveur égal, homo, gay, nul, sans culture, un mec sans opinion. Et pourtant, je ne suis pas gay, il faut en rire. J’ai le plus beau métier du monde. C’est moi à 50% qui fait que la soirée sera agréable pour mes clients ou pas. Selon mon attitude avec eux. Faire en sorte pour qu’ils soient heureux à ma table. C’est formidable.

    À constater ce que les gens reçoivent comme commentaire sur twitter et facebook, je vais continuer à ne pas avoir de compte. Ça semble trop démoralisant et agressant.

  • Commentaire de Diane Blaquière — 17 septembre 2012 à 7 h 53 min

    Imaginez un peu la personne qui n’a aucun diplôme au Québec mais qui vénère la connaissance. Imaginez la personne qui n’a que les lettres de son nom pour aborder la réalité et qui malgré une longue scolarité n’a aucune reconnaissance officielle. Imaginez une exclue de tous les cercles et sanctuaires professionnels de notre vénérable mais ségrégationniste société du Québec.

    J’ai atteint l’aînesse de cette façon et je dois reconnaître que c’est exigeant mais tellement éducatif. Je me suis défendue des outrages en posant plus de questions qu’en apportant de réponses. Je ne suis donc rien de définitif et c’est tant mieux.

    Personne ne se soucie de mon opinion sauf si elle donne une teinte impure à l’égo de chacun. J’ai donc appris à ne m’intéresser en généraliste à ce qui ouvre la réflexion sans jamais la fermer sur mes propres préceptes. Je bénis le « décrochage » pour cela car je n’appartiens à aucun clan.

    Vous avez raison, tout est en tout et si d’aventure je suscite quelque phobie sociale à mon endroit,je reviens à l’essentiel. Personne n’a tant d’importance si c’est au prix de renoncer à exprimer sa propre vérité. Elle ne dérangera que ceux et celles qui s’y reconnaissent et peuvent se l’approprier assez pour en être ébranlés jusqu’à la hargne.
    Quant à moi,je continue d’apprendre et d’apprendre. Je perfectionne encore ma technique à poser plus de questions qu’à donner de réponses car au Québec, mon nom n’a pas assez de lettres pour impressionner les ignorants. Et mon sommeil est profond.

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 17 septembre 2012 à 10 h 41 min

    Z’avez bien raison. Mais il faut dire que les zimbéciles m’amusent aussi ! 😉

  • Commentaire de franz — 17 septembre 2012 à 4 h 48 min

    Bonjour Madame Robert. Vous recevez nécessairement une quantité énorme de commentaires au sujet de vos articles que je trouve brillants et sensés. Je vois que vous avez quelques difficultés à vous dépêtrer de certaines réponses insultantes et réductrices qui peuvent devenir très nombreuses. En admettant que vous puissiez vous sentir agacée, sinon blessée par la répétition de certains genres de commentaires, je pense que cela peux vous amener à répondre à leurs sottises. Une fois peut-être …

    Je crois qu’un(e) auxiliaire moins engagé(e) derrière vos écrits pourrait vous dégager de lire les réponses idiotes en suivant vos instructions et en les éliminant sans que vous ayez à prendre connaissance. Car leur répondre comme vous le faîtes, c’est les stimuler à récidiver. Ça leur donne de l’importance et une visibilité dont, autrement, nous n’aurions même pas connaissance. Vous n’empêcherez pas les imbéciles de vous commenter avec mépris, mais en leur répondant, vous les encourager à continuer. La meilleure réponse à ces gens, c’est de les ignorer. C’est le silence, pour qu’ils ne sachent même pas que vous les avez lus. Au point de croire que leur message ne s’est même pas rendu.

    Dans le même ordre d’idée, j’écoute parfois le journaliste Claude Poirier (Le vrai négociateur)nous informer de l’actualité policière à LCN. Trop souvent, il se met à s’offusquer de commentaires idiots et des attaques personnelles qu’il reçoit dans ses boites vocales. Entendre quelqu’un se défendre des idiots peut devenir lancinant et de toutes façons, cela ne les empêchera pas de continuer. Bien au contraire, cela les motive. De plus, leur répondre nous prive de sujets intéressants dont on voudrait entendre parler. Ne perdez plus une seule seconde de votre vie à répondre aux jaloux et aux imbéciles.

  • Commentaire de Rénald Joyal — 17 septembre 2012 à 4 h 41 min

    Rien à redire, juste un petit rappel d’un grand pour pas nous laisser dans un endormissement ; http://www.youtube.com/watch?v=OaNv3k4APaE

    Automne et ta quiétude , viens nous redonner nos forces physiques et de l’espoir .

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 16 septembre 2012 à 23 h 42 min

    Si vrai… Tout est dans tout . 

  • Commentaire de Renée — 16 septembre 2012 à 18 h 52 min

    J’ai vécu une situation semblable. J’en ai eu des Ah oui!!
    J’ai eu une formation en histoire de l’art. J’ai enseigné pendant 29 ans « Mode et société ». Depuis la retraite je fais des recherches sur l’histoire de la sexualité. On me disait « Pourquoi tu fais ça? », C’est quoi le rapport?
    L’art, la mode et le sexe…plein de rapports.
    L’histoire de l’art, c’est quoi? L’histoire de la peinture?
    L’histoire de la mode, c’est quoi ? Êtes-vous couturière ou costumière?
    L’histoire de la sexualité…l’histoire est partout. On a toujours fait ça de la même façon me disaient-ils. Pas besoin de connaître le contexte sociologique
    J’ai continué à faire des liens entre les représentations artistiques (arts mineurs ou majeurs). Iconographie de la représentation.
    Mode et manière de faire. La mode et le mode.

    J’insistais auprès de mes étudiants. Leur dire que l’histoire touche à tout. Médecin, on s’intéressera à l’histoire de la médecine, musicien de la musique, architecte de l’architecture, menuisier de la menuiserie.

    Tout est politique
    Tout est chimique
    …historique et sexologique

Laissez un commentaire