Quand j’ai le sentiment que mon amant s’émeut de caresser ma peau, je me sens désirée et désirable.
Quand j’ai le sentiment qu’il caresse mon cœur lorsqu’il caresse ma peau, je me sens aimée .
L’amour, c’est plus que de l’affection saupoudrée de désir. C’est une participation de l’être tout entier.
Amour et érotisme poursuivent une fin commune : exalter le plaisir, livrer du bonheur, insuffler du sens à la vie. Pour plusieurs, le sentiment amoureux vient cautionner le désir. Ce qui n’empêche pas la sexualité, librement consommée, sans aromates amoureuses, d’être un mets qui se laisse goûter… À n'importe quel âge de la vie, un puissant désir érotique se confond aisément avec l’état amoureux.
L'amour, c'est ce sentiment, convoité et glorifié, qui pousse à créer des liens, à partager l’intimité, à se solidariser. Il s'installe quand l'autre devient unique et qu'on est pris d'une irrésistible envie de le traiter de manière privilégiée.
L’amour, c'est aussi une vérité toute subjective, une création de l'esprit. Le seul, le très grand amour est l'amour imaginaire, celui après lequel on court toute sa vie, parfois même à l'intérieur d'un engagement au long cours. Aucune alliance, érotique ou amoureuse, ne peut traverser le temps sans la participation de l'imaginaire. L’amour a soif d’imaginaire. L'en priver c'est le condamner.
L'idée si répandue aux quatre vents selon laquelle l'amour ne dure pas, s'étiole après deux ou trois ans, se transforme forcément en tendresse, en attachement, en habitude routinière voire en platitude, m'énerve au plus haut point! Pourquoi cette exaspération? Simple: cette idée a tout faux. Et parce qu'elle a tout faux, elle fausse tout.
L’amour ne se tarit jamais, ne s'écluse jamais. Si c’était l’amour qui se tarissait, on ne le transposerait pas inlassablement d’un bien-aimé à l’autre. C’est la personne aimante, le véhicule de l’amour qui a des ratés, qui s’assèche ou met le cap vers une nouvelle destination. Ça n’est donc pas l’amour qui se raréfie forcément mais notre propre capacité d'aimer, notre aptitude à le syntoniser .
On attend l’amour benoîtement, dans sa bulle, plutôt que de le convoquer, de l’inviter, d’aller à sa rencontre, de l’attirer à soi. Parfois, il surgit et au lieu de l’agripper, d’entrer dans la parade amoureuse, on le regarde passer, figé comme un spectateur apeuré. Par ailleurs, d'autres fois, on le saisit puis on s'empresse de le mettre sous globe pour ne pas qu'il nous échappe. L'erreur est commune: on l’enferme dans une cage, oubliant qu'il ne peut vivre et s'épanouir que dans la liberté. Le propre de l'amour c'est d'être libre et la plus sûre façon de le perdre est de le mettre en cage.
Il est impossible d'aimer, de désirer longtemps une personne qui ne nous étonne pas, qu’on n’admire pas, qu'on a classé parmi nos biens et meubles.
Le désir brut convie à une petite promenade rafraîchissante.
L'amour, à condition qu'il soit libre, c'est à dire qu'il soit vécu et éprouvé, chaque jour et chaque seconde, comme pouvant nous échapper, invite à une longue traversée bien parfumée.
Dommage que l'on attende parfois d'être vieux, vieille, pour faire l'amour comme si c'était la dernière fois.
Tableau: L'amour, Gustav Klimt