En attendant que le 8 mars dure toute l'année, cette journée internationale des droits des femmes est absolument nécessaire.
Les femmes sont encore trop souvent malmenées dans le monde. À certains endroits, elles le sont encore plus qu'autrefois. J’ai beau essayer de me convaincre que c’est parce qu'on le sait davantage aujourd’hui, me faire violence, me forcer à espérer que dans l’ensemble le sort de mes semblables s’améliore, ma tristesse est opaque.
Ici, nous combattons pour l’égalité. Ailleurs, des femmes prient pour ne pas êtres violées, torturées, battues, tuées.
Dans d'autres pays, pas même en guerre, des femmes, jeunes et moins jeunes, tremblent pour leur survie. Je n'aurais pas pas assez de mots pour énumérer les horreurs subies par les femmes seulement en 2012.
Les femmes de l’Inde
Voici que New Delhi, capitale d’un pays réputé pour être zen, est proclamée «capitale du viol ». Oui, dans cette contrée peace and love célébrée par les Beatles, dans cette terre ayant accouché de Ghandi, plus de 50% de la population est d'accord avec les violences faites aux femmes.
Récemment, malgré l'interdiction officielle de la police et du gouvernement, l'Inde a manifesté. Un mouvement de défense à l'endroit des femmes est en train de sourdre. Enfin!!
C'est le viol, à mort, d'une étudiante de 23 ans, qui a fait déborder le vase de l’indignation et déclenché ce début de révolte. Le 16 décembre dernier, au fond d'un bus, elle a été battue et violée par six hommes avec une barre de fer rouillée. Personne n'a tenté d'arrêter le massacre. Celle qu’on a appelé « la fille de l’Inde » est morte dans les jours qui ont suivi.
Le 26 décembre 2012, une autre jeune fille de 17 ans s’est suicidée en avalant du poison. L'adolescente avait, elle aussi, subi un viol collectif lors d'une fête publique en Inde. On dit qu'elle a tout essayé pour faire enregistrer sa plainte mais les policiers n'ont pas ouvert d'enquête et ont tenté de la convaincre de retirer celle-ci et d’épouser un de ses violeurs. Selon la sœur de la victime, la police a exercé des pressions insurmontables sur cette dernière.
Les femmes d’Égypte
En 2012 , la réalité a dépassé la fiction et les viols collectifs se sont multipliés sur la place Tahrir au Caire. L’agression suit presque toujours le même parcours : une femme, Égyptienne ou non, voilée ou pas, cela se passe vers la fin de l'après-midi. Journaliste parfois, souvent militante, elle traverse la foule compacte en compagnie de camarades ou collègues. Soudain, tout bascule. En quelques secondes, le bain de foule tourne au viol collectif. D'innombrables mains se jettent brusquement sur son corps. La femme réalise alors qu'elle est encerclée par des dizaines d'hommes qui l'isolent de son groupe.
Projetée par terre, elle voit ses vêtements arrachés, sent des doigts forcer leur chemin en elle malgré ses cris de terreur. Une meute d'hommes se bousculent en hurlant, tendent leurs bras pour la toucher. Certains s'interposent pour la protéger. En vain.
Les femmes d’Israël
Un débat national est sur le point de naître en Israël où la ségrégation des femmes dans l’espace public s’intensifie. Celles-ci n’osent plus traverser certaines banlieues (Beit Shemesh ). Elles se font cracher dessus, arrêter par la police, déshabiller, fouiller brutalement, à nu, et emprisonner tel des terroristes. Pourquoi ? Parce qu’elles chantent et prient à voix haute, ce qui constitue un crime aux yeux des barbus ultra-orthodoxes dirigeant la Fondation pour le Mur des lamentations.
Obsédés par la souillure féminine, les intégristes ont statué que les voix trop mélodieuses de ces « prostituées provocatrices » déclenchaient des ondes d'impureté.
Les femmes d'Occident
Si vous n’avez pas suivi l’histoire de Nina et d’Aurélie, qui a bouleversé la France, permettez que je vous en glisse un mot. Pendant des mois, les deux jeunes femmes furent victimes de viols collectifs et de brutalités immondes, en 1999, à Fontenay-sous-Bois, dans un pays civilisé. Elles sont sorties du silence l'an dernier, le temps d’ un procès surréaliste. Devant leurs bourreaux violeurs, insultants, agressifs et arrogants, elles ont tenu bon. Aujourd’hui, leur combat est devenu celui de toutes les femmes victimes de viol. Je rêve qu'il devienne celui de toutes les femmes et de tous les hommes.
L'abominable histoire de la « fille de l’Inde" m'a rappelé un souvenir atroce: une adolescente qui a croisé ma route il y a environ 25 ans, ici au Québec, et que j'essayai désespérément d'aider. Elle avait été, elle aussi, violée par une dizaine d’hommes et littéralement martyrisée. Ils l’avaient pénétrée avec un cric de voiture, avaient éteint leurs cigarettes sur ses seins. Mais elle, elle avait survécu. Physiquement.
Je pourrais continuer longtemps. Parler du viol comme arme de guerre, de toute ces femmes Amérindiennes battues et assassinées ici même au Canada… Rappeler qu'en France, une femme est violée toutes les 8 minutes, que dans le monde, un viol survient toutes les 30 secondes… Montrer combien l'agression sexuelle et le viol collectif sont banalisés dans la pornographie largement consommée… Je me contenterai (quel drôle de mot !) d’évoquer ces quelques histoires récentes, monstrueuses et retentissantes, de violence sexuelle exercée sur les femmes.
Faut-il s'en mêler?
Oui. Il ne faut surtout pas se contenter de se souvenir, de radoter notre indignation. Toute la communauté internationale doit réagir, mettre en place des mécanismes pour contrer ces violences. Surtout, qu’on ne vienne plus nous dire, comme cela arrive encore trop souvent, que le supplice des femmes d'ailleurs « ça n’est pas de nos affaires » et "qu’il ne faut pas s’en mêler." Si on n’est pas une bête, une pierre ou une limace, l’horreur réservée aux femmes, ici et ailleurs, concerne tous les êtres humains dignes de ce nom.
Il s’en est encore trouvé, récemment, pour suggérer la castration chimique pour les violeurs. Immanquablement, ce genre de solution me fait étouffer de rire. De rire triste. Faut-il être candide ou de mauvaise foi pour penser que le viol et la violence sont actes de trop-plein de désir ? Pour imaginer que c’est une overdose de libido qui pousse au viol ? Ce qui conduit au viol, c’est le mépris et la rage de soumettre la femme. Rien d’autre.
La personne qui croit que c’est en raison de leur toute puissante testostérone que des hommes se mettent en groupe pour pénétrer une femme par tous ses orifices avec une barre de fer rouillée, est une personne gravement atteinte.
Souhaits du 8 mars
Je voudrais que les femmes et les hommes du monde entier se lèvent et se solidarisent pour dénoncer et combattre les mauvais traitements dont sont victimes nos sœurs, nos mères, nos filles, nos amies. Que tous et toutes comprennent enfin que le féminisme n'est pas une lubie mais une nécessité. Un Humanisme.
Je voudrais que partout au monde on cesse de mépriser, insulter, brutaliser, violer et tuer les femmes.
Je voudrais aussi, enfin, que cesse cette discrimination systémique dont sont victimes la moitié des êtres humains de la planète.
MAJ d'un billet publié le 1er janvier 2013