On évalue toujours de manière quantitative le niveau de satisfaction sexuelle des hommes, des femmes, des couples. Vous voulez que je vous dise ? Ça m’énerve et je trouve ça nul. C'est le règne de la quantité. La qualité, bof … Combien de fois ? Combien de temps? Avec combien de partenaires? Dans combien de positions? Combien d’orgasmes? À quelle fréquence?…
Vous avez dit deux à 4 fois par semaine…?
Une journaliste me disait récemment, qu’après avoir passé en revue les tests et sondages des magazines, elle était en mesure de conclure que les couples dans la trentaine avaient de deux à 4 rapports sexuels par semaine. J’ai bien ri.
Tous les sexologues savent bien que les couples dans la trentaine sont ceux qui sont le plus souvent au prise avec de jeunes enfants et de ce fait, avec les courses, le boulot, le double horaire, la vie domestique, la garderie et l'école, la quête effrénée de réalisation professionnelle…
Forcément, ce sont aussi ceux qui, bien souvent, soit ne trouvent plus le temps de faire l’amour, soit ne sont pas en phase l’un et l’autre quant à leur disponibilité érotique respective. Elle est souvent bien fatiguée et rêve de sommeil bien plus que de folles nuits de volupté. Il est souvent bien essoufflé et ne sait plus trop de quoi il rêve…
Cela dit, cette vision quantitative de la satisfaction sexuelle est compréhensible (même si elle est nulle ) car nous vivons dans une époque et dans des sociétés qui proposent un modèle consumériste de la sexualité. Le sexe, le corps sont des choses, des objets, des produits… Que fait-on à l’égard d’un bien de consommation ? On l’objective, on l’évalue quantitativement.
Ce faisant, on impose des normes, des chiffres, des points de comparaison qui font que tout un chacun s’interroge sur sa «normalité » et les médias font naître une énorme demande quand ça n’est pas une énorme inquiétude.
Si on privilégiait une approche qualitative de la satisfaction érotique, les questions se poseraient tout autrement. L’adverbe « combien » disparaîtrait ou profit du « comment ». On questionnerait davantage le sujet désirant plutôt que l'objet. Un test qualitatif sur le niveau de satisfaction sexuelle pourrait ressembler à celui-ci auquel on peut répondre par vrai ou faux:
L'anti-test: la vraie mesure de la satisfaction érotique
1. Après un rapprochement érotique, le baromètre de mon estime personnelle tend à monter ?
2. Quand mon ou ma partenaire caresse mes seins, ou mon sexe, ou mon oreille, j’ai le sentiment d’être beau, belle désirable, irrésistible … ?
3. Parfois mon désir ou mon fantasme tient lieu d’activité sexuelle et je suis pleinement ravi-e de vivre mon désir via mon cinéma intérieur?
4. Lors de l’intimité sexuelle avec mon ou ma partenaire, j’ai l’impression d’être unique au monde?
5. Que je sois en couple ou célibataire, je suis convaincu-e de ma valeur personnelle en tant que femme ou en tant qu’homme?
6. Quand mon chéri-e câline mon corps, j’ai le sentiment qu’il caresse mon coeur?
7. Je crois que le désir, les fantasmes, la complicité érotique ou affective (même si ceux-ci ne mènent pas à une séance de coït ) sont de formidables ingrédients de la sexualité?
8. Je crois ( du moins dans un couple au long cours) que l’admiration constitue l’ingrédient premier de l’érotisme, bien plus qu’un string rouge ou qu’un chapeau de cow-boy…?
9. Que je sois célibataire ou en couple, je n’éprouve aucune culpabilité ou malaise à me fabriquer des scénarios stimulants lors de mes solos érotiques et à me donner satisfaction?
10. Je sais et je me souviens que, sur la promenade qui mène à l’orgasme, l’étape la plus longue et la plus enlevante est celle du désir et je l’habite pleinement, sans toujours me « garrocher » sur l’orgasme comme un prisonnier sur une fenêtre ouverte…
Si vous répondez surtout oui à ces questions, votre vie érotique est sans doute satisfaisante. Et ce, que vous soyez amoureux ou pas, seul ou en couple, marié ou célibataire, jeune ou vieux, homme ou femme, homosexuel ou hétérosexuel. Et que vous ayez des rapports sexuels trois fois par jour ou trois fois par an ( j’exagère un petit peu …)
Surtout, notez bien ceci : le nombre d’activités sexuelles n’est pas une garantie de bonheur érotique. Il arrive que des hommes ou des femmes aient une grande fréquence sexuelle sans éprouver de réelle satisfaction, sans sérénité érotique. Comme s’ils n’étaient jamais rassérénés. Il arrive en revanche que des personnes aient des rapports sexuels épars et épisodiques tout en étant pleinement sereins et heureux en tant qu’êtres humains sexuel, génitaux, érotiques et affectifs.
La "baise", pour parler familièrement, fait partie de la panoplie de l’expression sexuelle. Elle ne la résume pas, et ne contient pas, à elle seule, l’érotisme humain.