(Si vous souhaitez lire ou relire la première partie de ce billet, c’est ici )
Il n’y a pas si longtemps, moi qui voulais éduquer aux BTS (bonheurs transmissibles sexuellement), je me plaignais d’être trop souvent invitée à intervenir autour de thèmes liés à la misère sexuelle : MTS, maladies, grossesses involontaires, prévention des abus et de l’inceste etc.
Les MTS (misères transmissibles sexuellement) se suivent et ne se ressemblent pas
Les temps ont changé. Les misères se suivent et ne se ressemblent pas. Voici des sujets sur lesquels on m’a sollicitée pour support ou avis professionnel au cours d’un même mois, l’an dernier, soit en janvier et février 2014
1. Compagnie canadienne de vêtements ciblant les 16-30 ans qui montre dans sa pub une jeune femme inconsciente, transportée sur les épaules d’un sauvage Brad Pitt. Vulve au vent, prise de vue par derrière, son corps pendouille dans la position d’un animal sacrificiel, tel qu’on en voit dans des scènes bibliques ou de chasse
2. Une firme vend et organise des gang bang montréalais via le web.Le coût de participation augmente selon que la fille fellationne le plus grand nombre d’hommes, selon qu’elle avale le panaché spermatique, qu’elle se soumet à la double ou triple pénétration des 10 ou 15 mecs présents, et selon son statut de pornstar ou d’ex pornstar
3. Entreprise qui organise les sauteries extraconjugales de ses clients de manière impeccable et sans faille : rendez-vous, lieu, réservation de chambre d’hôtel, paiement… tout est prévu . Aucune trace sur la carte de crédit de l’infidèle!
4. Concours de Mini Miss, ces petites lolitas âgées de 6 mois à 7-8 ans déguisées en femmes fatales aguicheuses
5. Sites de rencontre pour les ados. On leur y promet le grand amour dès 11 ans. Attention les cyber pédophiles sont au rendez-vous, le web étant devenu leur terrain de jeu de prédilection
6. Suces[1] sexy pour bébés filles sexy. Et oui, un fabricant met en marché des tétines sur lesquelles sont écrits des messages de type : « la sexy baby girl qui a cet objet en bouche est promise à un bel avenir… »
7. Colloques sur l’hypersexualisation des fillettes et filles et sur la sexualisation de l’enfance via la pub, la mode, les vêtements
8. Blogueur trash qui fait saliver ses milliers des supporters en décrivant son fantasme d’agression sexuelle d’une star
9. Adolescente suicidaire, victime d’un viol collectif dont les images circulent sur le web
10. Parents qui découvrent que leur jeune fille de 14 ans se prostitue et est l’esclave sexuelle d’une gang de rue
11. Beau mâle de 40 ans, désespéré d’apprendre qu’il ne bandera plus jamais naturellement, suite à une overdose de cialis ( s’est présenté à l’hôpital, après 23 heures en érection)
12. Femme qui ne jouit pas, autrement que par la masturbation en solo, qui en a marre de faire semblant d’être la salope de service
13. Augmentation des demandes de chirurgie génitale féminine (rétrécissement du vagin et nymphoplastie)
14. Homme qui a développé une sévère dépendance à la pornographie et qui souhaite sauver son couple
15. Adolescente assassinée par un « amoureux » transi et évincé.
Un érotisme mortuaire
Derrière mon carnet de bal professionnel se cachent des faits et réalités qu’on aimerait bien oublier et qu’il faut néanmoins rappeler à la conscience de chacun. Quels sont-ils?
- La majorité des agressions sexuelles ne sont pas rapportées et le pourcentage des hommes et garçons coupables d’agressions sexuelles qui passent, ne serait-ce qu’un jour en prison, est infime (autour de 3% aux États-Unis)
- Le GBH (drogue du viol) est en nette hausse et propension sur les campus et dans les bars. On m’objectera que le GBH est aussi consommé comme drogue festive pour l’effet d’ébriété obtenu et que c’est lorsqu’il est combiné à l’alcool qu’il provoque coma et amnésie. Il n’en reste pas moins que les signalements à son égard ont doublé durant les derniers mois et ce, malgré que les traces de cette substance s’effacent après quelques heures dans l’organisme. L’utilisation à des fins sexuelles criminelles du GHB montre bien que le viol ne survient pas « spontanément », comme certains le prétendent et qu’il est, est au contraire, planifié et prémédité.
- Le nombre d’agressions sexuelles signalées n’a pas diminué sur les campus collégiaux et universitaires au cours des vingt dernières années. Et je lis, là, en écrivant ces lignes dans le journal La presse de ce matin que chez les mineurs, à peine une agression sexuelle sur 10 est signalée [2].
- Faut-il rappeler que l’hostilité prévaut encore trop souvent à l’égard des victimes ? Que les justificatifs abondent du côté des agresseurs ? Et qu’il y aurait, sur les campus américains, environ 5% de faux signalements d’agressions sexuelles alors que les étudiants pensent que la moitié des plaintes sont inventées.
- Enfin, soyons conscients que la plupart des images et scènes sexuelles en libre circulation, surtout sur Internet, mettent en scène des femmes et jeunes filles qui subissent cette violence et semblent s’en délecter ou qui, dans le meilleur des cas, sont présentées comme des objets sexuels instrumentalisés.
C’est à ces images que les enfants et les adolescents réfèrent, à un âge où ils sont aussi malléables que de la cire chaude, pour assouvir leur légitime intérêt sexuel.
C’est à ces modèles d’hommes et de femmes qu’ils s’identifient et c’est à partir de ces tableaux et messages qu’ils construisent leur personnalité érotique et qu’ils consolident leur perception de ce qu’est un vrai homme ou une vraie femme.
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[1] Pour les ami/es franco-françaises, une suce est une tétine.
[2] http://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/affaires-criminelles/201402/10/01-4737567-leffet-nathalie-simard-aura-ete-de-courte-duree.php
Pour lire la partie un, c’est par ici -> http://jocelynerobert.com/2015/02/02/eros-aux-soins-intensifs-partie-1/
* Ce texte est tiré d’un article que j’ai écrit pour l’ouvrage collectif LE QUÉBEC à l’heure des choix, publié en 2014, ouvrage que je vous invite chaleureusement à lire
* Lecture complémentaire: Le sexe en mal d’amour
