La nuit dernière, j’ai fait un rêve… "Quel intérêt de raconter un rêve sur un blogue ?" me dit l'homme que j'aime. Sais pas trop. Impulsion de partage et aussi, sentiment qu’il s’agit d’un rêve éditorial.
Je marchais dans un champ, pieds nus, fatiguée. Un champ fraîchement labouré. Il faisait jour mais sombre. Grisaille. Je faisais très attention, j'avançais sur le bout des pieds car le sol était criblé de mines. Ce qui devait arriver arriva, je mis le pied sur l’une d’elles. Tout se passait au ralenti et j’eus le temps de prendre longuement conscience que j’allais être déchiquetée. Mais voilà que plutôt que de voler en éclats, j'explosais de joie et implosais de plaisir en piétinant l'explosif. En même temps que je déboulais dans une sorte de cascade extatique, carrément orgasmique, la terre se stria de dorures. Tout devint vermeil et mordoré. J'avançais désormais en flottant, lègère, mes pieds effleurant à peine le sol. Mes vêtements blancs, amples, cotonneux et aériens, que je n'avais pas remarqués jusque là, virevoltaient avec moi. Des personnes apparurent ça et là. Je ne distinguais pas leur sexe , hommes ou femmes, garçons ou filles, ils étaient sans âge. Ils étaient lourds et nerveux comme je l'avais été à mon arrivée dans ce champs miné puis, l'un après l'autre, ils s'allégeaient après avoir touché une mine, puis explosaient à leur tour d'un indicible bonheur, envahis de sensations inconnues d'eux, jusqu'à ce jour…
Romantique? Gnangnan? Me semble pas. Il n'y avait là ni volatiles rieurs et gazouillants, ni ruisseau limpide et cristallin, ni fleurs bleues ou de toutes les couleurs, ni parfums célestes, ni musique divine ? Il y avait la lourdeur, la peur, l'obscurité puis l'apesanteur, l'assurance, la clarté.
Moi qui suis toujours heureuse (ou presque) de me lever le matin, j'étais déçue au réveil, de rentrer dans mon histoire. Je me suis d'abord demandé si je n'étais pas un peu désabusée du monde pour faire un rêve semblable. J'ai conclu que l'univers onirique venait de suppléer merveilleusement au monde réel, bourré de mines, susceptibles d'écloper l'humanité, de fair voler en éclat des acquis douloureusement gagnés.
J'ai fait mon lit comme on ferme un livre. Celui de la nuit. Et me suis dit qu'il fallait continuer, mine de rien, de déminer mon petit bout de terrain…