Hypersexualisation des jeunes? Des filles ? Hyposexualisation des vieux? Des femmes vieillissantes?Hypersexualisation de nos sociétés. Point à la ligne.
Ce sont nos sociétés qui sont hypersexualisées et hypersexualisantes. Les adolescents, comme de la cire chaude, se moulent aux messages et images qui leur sont proposés. La semaine dernière, j'ai été invitée à venir bavarder avec le personnel enseignant d'un collège privé de Montréal. Un Au secours! majuscule flottait du dessus de ce groupe d'éducateurs et éducatrices dévoués. Pas facile de comprendre et d'intervenir auprès d'un jeune qui a envoyé, à sa prof, une photo de lui en érection.
Comment intervenir quand une vidéo montrant une élève nue, qui mime la masturbation, circule dans l'école?… Nos sociétés sont passées, à vitesse grand V, d'un modèle sexuel de procréation (jusqu'à fin des années 60) à un modèle de plaisir ( les sixties) puis, à une sexualité de consommation et de marchandisation. Sexualité chosifiée, corps chosifié, sexe objectivé, extérieur à l'être, en dehors de la personne.
Bien sûr, il faut intervenir, réprimander, discuter et même expliquer qu'est coupable d’une infraction (…) quiconque commet une action indécente : (…) avec l’intention d'insulter ou offenser… Mais il faut d'abord comprendre que, jusqu'à un certain point, ça n'est pas une photographie de lui que ce jeune garçon (14 ans) a envoyé à sa prof. À preuve, même s'il fut reconnu, on distinguait à peine son visage. Coupure entre la tête et le sexe, entre l'être-sujet et le corps-objet. Ce qu'il a expédié, c'est un bout de son corps, son sexe, un phallus nu et érigé, un objet, à consommer ou consommable… Pas vraiment lui ou elle…C'est Karl Marx qui doit rigoler (ou pleurer) dans sa barbe. Sur un point, il a été visionnaire en prétendant que le capitalisme serait vraiment et parfaitement accompli lorsque le corps serait chosifié au point de ne plus être qu'un objet extérieur à soi-même, un produit, un instrument, une machine… Nous y sommes: chosification du corps (tatouage , piercing, cutting, dérive et banalisation des interventions, chirurgies et infiltrations esthétiques ) et chosification et utilisation du sexe et du corps comme s'il s'agissait d'objets extérieurs à soi…
Loin de moi l’idée d’imposer limites et carcan au corps, à la séduction et à la volupté. Je plaide ardemment pour la célébration d'une sexualité relationnelle dans laquelle les êtres humains vont à la rencontre érotique l'un de l'autre, sans laisser leur tête au vestiaire ou leur coeur au frigo.
Plus j’y pense et plus je suis portée à croire que le refrain sur « l’hypersexualisation des jeunes » masque notre responsabilité citoyenne et cache plus encore, tout en la renforçant, l’idée reçue d’une hyposexualisation des vieux ( et surtout des vieilles!)