Avatar, bel Avatar, veux-tu m'épouser?
Depuis je dirais un dizaine d'années, LA question, récurrente et incontournable, qui fuse de tous les groupes que je rencontre, peu importe les âges, le sexe, les origines ou préoccupations: « Quelle sera la sexualité de demain? ». D'éminents experts de la prospective se sont penchés sur l'évolution prévisible de nos mœurs sexuelles. Interfaces haptiques et univers virtuels s'apprêtent, croient-ils, à modifier notre intimité érotique. Le think tank d’Amsterdam, un club consacré au futur, s'y est intéresse depuis quelques années. Sexualité et nouvelles technologies faisant bon ménage (l’industrie porno est l'une des plus développées sur Internet), comment évolueront les valeurs morales et les relations sociales en lien avec la sexualité?
Nous sommes passés, avec le tournant des sixties qui transportait dans leur sillage la pilule, la libération des femmes et du sexe ainsi que l'éclatement des valeurs religieuses et traditionnelles, d'un modèle sexuel de procréation à un modèle de plaisir et de communication. Au tournant du 3e millénaire s'est installée, avec la mondialisation et l'invasion des produits du sexe, une sexualité de consommation et de performance. Des phénomènes de société, tels la dérive et l'excès de transformations corporelles et esthétiques, la pornographie domestique, la tendance de plus en plus répandue de se propulser sur le web (donc dans l'univers) les 4 fers en l'air, en témoignent.
Pensons seulement à l'explosion du marché des objets sexuels, à la disparition de nombreux tabous relatifs à l'âge ou à la nature des conduites, aux nouvelles formes de pornographie en ligne incarnées par exemple par Second Life qui permet de vivre une grande diversité de fantasmes virtuels et de les partager avec de vraies personnes. Pour le prospectiviste Michael Anissimov, les interfaces haptiques transformeront la sexualité, notamment quand elles couvriront le corps entier… Une sexualité haptique, c’est-à-dire stimulée par le toucher distant, sera formidablement différente de celle que nous connaissons. L'action directe sur le cerveau signifie par exemple que la main sera superflue dans la masturbation de demain. En stimulant un point précis du cerveau pour déclencher l'orgasme, plutôt que les zones érogènes corporelles, notre rapport au sexe et à l'autre sera radicalement transformé.
Sans doute se mettra-t-on en ménage avec des robots, et épousera-t-on des avatars. C'est d'ailleurs déjà commencé. Peut-être avez-vous eu vent de ce Japonais qui, récemment, mariait un personnage virtuel…? Selon l’étude du Gartner, dès 2015, 2 % des États-Uniens seront mariés dans un monde virtuel! Adam Sarner, le principal auteur affirme: “Je pense que les connexions en ligne deviennent suffisamment puissantes pour y voir naître des mariages légaux." La "connexion cyberémotionnelle" pourrait être suffisamment hot pour vouloir la rendre éternelle.
Tout cela est à suivre et nous ne sommes certes pas au bout de nos étonnements et bouleversements. Mais pour l'instant, j'écris ces lignes assise au bord de mon lac, la face et le cou bouffés de piqûres de moustiques. Pour me soulager, après ce point final, je vais plonger dans l'onde fraîche. Et ce sera un divin péché de sentir l'eau infiltrer les petits cratères de mon épiderme creusé par les moustiques. Une "connexion émotionnelle en ligne" saurait-elle jamais égaler le bonheur sensuel que l'on éprouve au contact des matières? Surtout si cette matière est corporelle et épidermique et qu'elle renferme un être de coeur? Qu'en pensez-vous?