jocelyne robert

Avatar, bel Avatar, veux-tu m'épouser?

Depuis je dirais un dizaine d'années, LA question, récurrente et incontournable, qui fuse de tous les groupes que je rencontre, peu importe les âges, le sexe, les origines ou préoccupations: « Quelle sera la sexualité de demain? ». D'éminents experts de la prospective se sont penchés sur l'évolution prévisible de nos mœurs sexuelles. Interfaces haptiques et univers virtuels s'apprêtent, croient-ils, à modifier notre intimité érotique. Le think tank d’Amsterdam, un club consacré au futur, s'y est intéresse depuis quelques années.  Sexualité et nouvelles technologies faisant bon ménage (l’industrie porno est l'une des plus développées sur Internet), comment évolueront les valeurs morales et les relations sociales en lien avec la sexualité?

 

Nous sommes passés, avec le tournant des sixties qui transportait dans leur sillage la pilule, la libération des femmes et du sexe ainsi que l'éclatement des valeurs religieuses et traditionnelles, d'un modèle sexuel de procréation à un modèle de plaisir et de communication. Au tournant du 3e millénaire s'est installée, avec la mondialisation et l'invasion des produits du sexe, une  sexualité de consommation et de performance.  Des phénomènes de société, tels la dérive et l'excès de transformations corporelles et esthétiques, la pornographie domestique, la tendance de plus en plus répandue de se propulser sur le web (donc dans l'univers) les 4 fers en l'air,  en témoignent.

Pensons seulement à l'explosion du marché des objets sexuels, à la disparition de nombreux tabous relatifs  à l'âge ou à la nature des conduites, aux nouvelles formes de pornographie en ligne incarnées par exemple par Second Life qui permet de vivre une grande diversité de fantasmes virtuels et de  les partager avec de vraies personnes. Pour le prospectiviste Michael Anissimov, les interfaces haptiques transformeront la sexualité, notamment quand elles couvriront le corps entier… Une sexualité haptique, c’est-à-dire stimulée par le toucher distant, sera formidablement différente de celle que nous connaissons.  L'action directe sur le cerveau signifie par exemple que la main sera superflue dans la masturbation de demain.  En stimulant un point précis du cerveau pour déclencher l'orgasme, plutôt que les zones érogènes corporelles, notre rapport au sexe et  à l'autre sera radicalement transformé.

Sans doute se mettra-t-on en ménage avec des robots, et épousera-t-on des avatars. C'est d'ailleurs déjà commencé. Peut-être  avez-vous eu vent de ce Japonais qui, récemment, mariait un personnage virtuel…? Selon l’étude du Gartner, dès 2015, 2 % des États-Uniens seront mariés dans un monde virtuel!  Adam Sarner, le principal auteur affirme: “Je pense que les connexions en ligne deviennent suffisamment puissantes pour y voir naître des mariages légaux." La "connexion cyberémotionnelle" pourrait être suffisamment hot pour vouloir la rendre éternelle.

Tout cela est à suivre et nous ne sommes certes pas au bout de nos étonnements et bouleversements. Mais pour l'instant, j'écris ces lignes assise au bord de mon lac, la face et le cou bouffés de piqûres de moustiques. Pour me soulager, après ce point final, je vais plonger dans l'onde fraîche.  Et ce sera un divin péché de sentir l'eau infiltrer les petits cratères de mon épiderme creusé par les moustiques. Une "connexion émotionnelle en ligne" saurait-elle jamais égaler le bonheur sensuel que l'on éprouve au contact des matières? Surtout  si cette matière est corporelle et épidermique et qu'elle renferme un être de coeur?  Qu'en pensez-vous?

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Publié dans : Culture et Société, Érotisme et/ou Pornographie, Médias et Actualités, Sexualité et Sexologie
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9 commentaires

  • Commentaire de Renée — 17 juillet 2010 à 13 h 14 min

    Technologies relationnelles,
    Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tant de gens mariés ou en couple disent rechercher « l’âme-soeur » sur les réseaux de rencontre.
    Nouvelle courtoisie? Un petit plus? Amitiés? Amour platonique? Un tremplin?
    L’inaccessible étoile? Relations virtuelles?
    Et vous qu’en pensez-vous?
    Renée

  • Commentaire de Renée — 5 juin 2010 à 8 h 47 min

    J’aime votre commentaire Sébastien le Boulou. En quelques lignes, vous dites beaucoup. On aimerait en savoir plus. L’amour est élevé, l’intimité profonde.
    L’être aimé est touchant.
    Renée

  • Commentaire de Sébastien le Boulou — 4 juin 2010 à 11 h 09 min

    Au coeur du rapport amoureux et sensuel il y a cette idée qu’avec sa capacité à contredire nos désirs, à se voiler et se dévoiler à se montrer et se cacher, à apparaitre et disparaitre, l’autre possède un formidable pouvoir érotique que n’offrira jamais un avatar. C’est une histoire de conscience à conscience.

  • Commentaire de Renée — 1 juin 2010 à 10 h 54 min

    Liliane,
    Intéressant, vous êtes styliste, accompagnement aux changements par l’image de soi. J’ai enseigné l’histoire de la mode pendant 29 ans. Seriez-vous intéressée par mon blog sur les « images du corps »?
    http://renee-youkali.blogspot.com
    Nous pourrions partager sur ce sujet que sont les codes vestimentaires.
    J’ai apprécié votre récent commentaire.

    Merci à Martin…Je ne connaissais pas Louise Bourgeois ou si peu.
    Vous avez raison… »une oppression qui recule à peine »

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 1 juin 2010 à 10 h 09 min

    Liliane, mon livre les Femmes vintage ne sera pas disponible ne France avant novembre… Chez Michel Lafon. Soyez patiente. Merci de votre intérêt.

  • Commentaire de Liliane Gonzalez — 1 juin 2010 à 2 h 00 min

    Bonjour,
    Nous sommes dans une ère de transformation des modes de contacts,de rencontres mais tout de même l’Homme reste en quête de contacts physiques même si la quête de plaisir à tout prix et tout de suite parasite la quête du sentiment amoureux…
    Je suis d’accord avec vous,je préfère de loin « l’épiderme » et je suis arrivée à écrire pour rire à mon ami qui habite dans vos contrées « j’aimerai que tu me lises en braille »…le net rapproche mais ne substitue en rien cette « caresse de l’autre » comme dit si joliment Renée !
    J’ai aussi 51 ans et c’est vrai que cet âge de passage pour la femme est peu commentée et pourtant si bouleversant à beaucoup de points de vue.Je suis styliste entre autre, je fais de l’accompagment aux changements par l’image de soi et je rencontre beaucoup de femmes  » les séñoras » dans les entreprises où j’interviens. C’est vraiment passionnant !
    Je vais acheter votre livre, je pense le trouver ici en France sans souci.
    Merci de vos mots et réfléxions pour avancer !
    Bonne journée à toutes
    Liliane G

  • Commentaire de Martin Dufresne — 31 mai 2010 à 19 h 54 min

    Découvrez sur le Web les traces laissées par Louise Bourgeois, une des plus grandes artistes du XXe siècle, qui vient de décéder à 97 ans, après une vie à dire et créer des images de la vérité sur les violences patriarcales trop longtemps vécues au sein de la famille. La sexualité pornographiée est sordide, mais est-elle plus misérable que ce tribut que les femmes devaient verser au mari, quand ce n’était pas au père? Ne nous laissons pas effaroucher par les offres du commerce au point d’avoir de la nostalgie pour une autre oppression qui recule à peine.

  • Commentaire de Francine L. — 31 mai 2010 à 15 h 44 min

    Bonjour Madame Robert,

    Je viens tout juste de terminer la lecture de votre livre « Les femmes vintage » et cette lecture m’a fait grand bien. Je suis « une pré-vieille » de 52 ans, mère de deux grande filles, grand-maman d’un petit amour qui aura 2 ans bientôt, en couple et toujours amoureuse du même homme depuis bientôt 31 ans, un homme que je trouve toujours aussi beau et attirant et qui me le rend bien. Vos propos m’ont rassuré et je me sens maintenant un peu moins seule. Ménopausée depuis l’âge de 49 ans, mon corps a connu ses plus grands changements au cours des deux dernières années. Moi qui avait été si choyée par la nature jusqu’à maintenant, je me retrouve avec des tâches pigmentaires, de la cellulite, des bras un peu flasques et tout ça, malgré, la marche quotidienne et une hygiène de vie assez saine. Dans mes mauvais jours, cette nouvelle réalité me rend triste et pourtant, je m’insurge face à ce mouvement qui incite les femmes à la chirurgie esthétique. Il m’est arrivé de me demander si bientôt, je ne finirais pas par être la seule femme au monde à se promener avec ses rides. Je revendique le droit de vieillir naturellement, avec les désavantages et les avantages que ça comporte. Pourtant, c’est difficile à assumer avec sérénité. Il y a beaucoup de mépris face à la vieillesse comme si du jour au lendemain, on devenait dépassé et en plus, dépouillé de toute forme de beauté ou de séduction. C’est un peu le même phénomène que l’on retrouve parfois face aux adolescents : comme s’ils devenaient des monstres du jour au lendemain juste parce qu’ils ont atteint cette âge.

    Je pense que votre livre pourra donner du courage et de l’espoir à certaines femmes face à cette période de la vie qui nécessite tout de même une adaptation. Tout est dans notre perception et nous avons le pouvoir de la changer. Vous avez renforcé mon désir de croquer encore plus dans la vie et de réaliser des projets qui dorment depuis tellement longtemps, vous m’avez secoué et je tenterai quotidiennement de rester dans le moment présent, de rire un peu plus, de lâcher prise sur ce qui est à mon sens superficiel, de continuer à entretenir mes précieuses amitiés et ma relation amoureuse.

    Merci d’avoir dit tout haut ce que je le souhaite, bien des femmes pensent tout bas.

  • Commentaire de Renée — 31 mai 2010 à 10 h 03 min

    « …matière corporelle et épidermique ». Irremplaçable
    C’est la caresse qui est douce. La senteur de l’Autre, sa chaleur, son souffle.
    L’avenir de la sexualité. Oui, c’est vrai qu’on aime imaginer ce qu’elle deviendra dans le contexte des technologies relationnelles. J’ai déjà donné un commentaire à ce sujet : « La Saint-Valentin à l’heure du cybersexe ».
    J’ai actualisé le titre par « Nouveau Peace And Love…sur le web ».
    Pour comprendre le futur, le passé nous aide. Aux intéressés, le livre « L’orgasme et l’Occident depuis le XVIe siècle », Robert Muchembled, 2005. « La pornographie n’en finit plus de se modifier, de s’adapter au temps qui passe »

    Un « avatar »…ouff, un héro, un idole, un bonobo?
    Comme j’apprécie mon réel.
    Merci à JR pour cet article documenté.
    Renée

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