jocelyne robert

Vous avez noté, j’en suis certaine, l’habituelle laideur des mots sexuels.  Des mots honteux comme des maladies,  souvent truffés de g occlusifs et postpalataux, de r constrictifs comme des boas. Leur résonance et consonance glacent  plus qu’elles n’échauffent et donnent l’impression que la personne qui les prononce a avalé un parapluie.  Dans une langue à la phonétique  douce et harmonieuse comme celle de la langue française, il est étrange que les mots de l’érotisme jaillissent souvent comme des fientes vénériennes ou  des crachats assassins.  Jetons un coup d’œil sur quelques-uns de ses vocables à faire débander Priape …

Masturbation… Mas-tur-ba-tion. Voilà un vocable dont la répugnante sonorité fait l’unanimité. Un timbre qui  décourage à jamais de se câliner.  Pas étonnant que le langage populaire lui ait trouvé de sympathiques et fières expressions substitutives dont la plus appréciée, utilisée et compensatoire est certes  la douce branlette.  Avouez que « se branler » est passablement plus musical, rythmique et symphonique  que se mas-tur-ber!

–  Orgasme : Même si la durée de l’expérience n’est surtout pas prolongeable à l’infini, ce mot résonne comme un poing d’orgue! Certains européens prononcent à l’anglaise orgazme. Effet assuré : on jurerait le gazage!

Orgie.  Berk! Ce substantif m’a toujours fait penser à l’orgelet pustuleux et purulent.

Vagin… Je devais avoir 10 ans la première fois que ce mot s’est  glissé dans mon oreille virginale.  Dans la gauche, je m’en souviens.  Le ver d’oreille nous fait chanter.  Le vagin d’oreille m’a donné envie de vagir comme un crocodile (joli mot crocodile non?).  Jusque là,  j’ignorais même l’existence de ce tunnel mirifique.

– Son pendant (sans jeu de mots),  le pénis,  est un mot bien plus joli.    Quoique dans la bouche (je parle du mot pas de l’organe), il occupe le même espace que la « peine ».  Vive le rikiki!  Voilà un mot qui rit!

Que dire de cunnilingus et de fellation?  Sont-ce des activités perverses réservées à quelques vicieux polymorphes?  Ou pire encore,  des maladies incurables?  Ça ressemble à tout sauf à des câlineries.  Que penser des pollutions nocturnes réduisant l’arrosage spontané et son arroseur  à une vulgaire équipe polluant-pollueur? Et de l’éjaculation,  ce mot qui retentit  comme une éructation nucléaire. Quant au scrotum, on tremble rien qu’à  l’articuler et les enfants baragouinent crotte homme jusqu’à la puberté.

Passons sur  la panoplie de noms effrayants attribués aux maux de l’amour…  Des mots pour nous dégoûter à jamais de l’érotisme et de la sexualité.   Par bonheur, il y a le gai clitoris[*], la vulve veloutée et le fiérot  zizipanpan pour dérider un peu  cette  nomenclature ampoulée.  Les êtres humains n’ont pas inventé en vain un vocabulaire parallèle, cochon,  jovial, coloré, poétique et métaphorique.   Concluons ce billet avec le terme sexuel que j’abhorre entre tous bien qu’il désigne une gestuelle intimiste des plus voluptueuses et savoureuses : le coït.

J’exècre tant ce substantif que je l’ai rarement utilisé  en 25 ans de carrière sexologique et toute une vie de pratique érotique!   Co-ït?  Un mot qui rime à « quoi »?  Qui  s’apparie à l’impassible « coi » et s’apparente au « quoi » investigateur. Qui ressemble à  « coin » et à « cogne ». Une sonorité qui met K.O. la plus intime et la plus fondante caresse amoureuse.  Ses  synonymes n’offrent guère de prix de consolation.   Fornication?  Pouah!  Ça sonne vite fait, mal fait et « camp de concentration ».   Accouplement serait presque acceptable si le terme évoquait moins la monte animal.  Non mais… vous rendez-vous compte? Pour désigner l’étreinte intimiste par laquelle deux personnes sont plus proches que proches, pour nommer  ce ballet érotique dans lequel les amants s’avancent l’un vers l’autre, s’ouvrent l’un à l’autre, se prennent, se reçoivent,  s’investissent et s’envahissent, on n’a pas trouvé mieux que coït et coïter! Baisons alors! C’est  bien meilleur!


[*] L’origine du mot clitoris n’est pas claire.  Il viendrait du grec et une source du 2e siècle suggère que le terme dérive du verbe kleitoriazein qui signifie titiller de façon lascive en vue d’obtenir le plaisir.  Tiré de Femmes!  De la biologie à la psychologie, la féminité dans tous ses états, Natalie Angier, Robert Laffont, 1999

Pin It
Publié dans : Amour, Culture et Société, Éducation, Sexualité et Sexologie
Avec les mots-clefs : , , , , ,

14 commentaires

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 19 novembre 2010 à 20 h 30 min

    Oui, je connais cette expression. Mais oh que si qu’ils sont frileux nos amis franco-français ! Pas dans les mots mais dans les mentalités

  • Commentaire de Renée — 19 novembre 2010 à 20 h 00 min

    Les « roubignoles »…
    Mon ami français,maintenant décédé, me parlait de ses roubignoles. (de l’argot,évidemment). Il m’expliqua par la suite qu’il s’agissait de ses couilles. Belle totalité de l’expression de ses attributs.
    Tout ça n’a rien de frileux. Le joual et l’argot préfèrent ne pas se comprendre.

  • Commentaire de Renée — 1 novembre 2010 à 11 h 10 min

    De la Joie au Chatouillement
    La joie de prendre plaisir se comporte par trois autres concepts: la Joie désigne l’augmentation de la puissance de l’Esprit; l’Allégresse désigne l’augmentation de la puissance de tout le Corps, et le Chatouillement l’augmentation de la puissance d’une partie du Corps seulement.
    Extrait de « Spinoza, l’allègre savoir », Par Maxime Rovere
    Magazine littéraire, octobre 2010, (Dossier Plaisir)

    Renée

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 23 octobre 2010 à 12 h 52 min

    Merci Khaled, pour votre commentaire. Pour ce joli verbe « zigounipiloupiler » Rassérénant comme une courte et forte ondée ou comme une brève promenade dans la rosée matinale…

  • Commentaire de Khaled — 22 octobre 2010 à 11 h 34 min

    Pierre Desproges parlait de ces « deux êtres fragiles, tremblant d’amour et qui vont vers leur destin la main dans la main et la zigounette dans le pilou-pilou ». Deux beaux substantifs qui se fondent bien dans le verbe zigounipiloupiler.

    J’adore votre billet Jo 🙂 J’aime surtout le rythme des mots qui tombent comme dans un orage de grêles. Rafraîchissant.

  • Commentaire de Tina Karr — 5 octobre 2010 à 17 h 03 min

    Ne serait-ce donc pour cette raison que nous remplaçons les mots qui choquent l’oreille par des mots plus doux comme : chatte, minou, bouton, fleur, … faire l’amour ou te prendre plutôt que forniquer ou copuler, ou encore nous venons, comme venir vers toi, vers l’autre au lieu de jouir.

    L’Homme a une âme bien plus poétique que ce que le dictionnaire nous propose pour le bonheur de notre ouïe et des cœurs sensibles!

  • Commentaire de Renée — 4 octobre 2010 à 17 h 18 min

    La position du missionnaire, ma préférée, non pas après réflexion mais après expérimentation.
    «La beauté de la chose, la laideur des mots »
    Aidez-moi, j’aimerais trouver un autre mot, un plus beau titre à cette position.
    Missionnaire ? Ni père blanc, ni sœur grise. Plutôt une mission spatiale. Aussi la permission d’aimer cette position « élémentaire »…voire pratique. Évidemment, je parle personnellement ; disons qu’elle me permet de mieux, comment dire, m’accrocher au corps de l’homme, de sentir la pression. Une certaine logique de l’installation. « Le toit sur la maison ».
    Et bien sûr il y a les autres pour faire changement ou plaisir.
    Lundi 4 octobre 2010

  • Commentaire de Renée — 4 octobre 2010 à 7 h 44 min

    Plus petit que réel, le pénis. (Suite au commentaire de François)
    Dans la Grèce Antique, les artistes sculpteurs avaient l’habitude d’idéaliser le corps humain et plus particulièrement le corps masculin. C’est tardivement qu’ils se sont intéressés au corps féminin et cela d’une façon « masculine ».
    Idéaliser : mettre en valeur les proportions idéales de l’anatomie. Pour rendre évidente cette idéalisation, les dimensions réelles du pénis seront réduites ; une façon de rendre la lecture visuelle esthétique et non érotique.
    En montrant ces sculptures à mes étudiants, plusieurs s’étonnaient de la sous représentation du membre viril.

  • Commentaire de Renée — 1 octobre 2010 à 13 h 19 min

    Oui Jocelyne, j’en conviens le mot « physiologique » est plus approprié.
    Et toujours cet intérêt que j’ai pour l’histoire de la sexualité.
    M. Marzano citant Sade dans son chapitre : « De la surexposition au morcellement » « Prêtez-moi la partie de votre corps qui peut me satisfaire un instant, et jouissez, si cela vous plaît, de celle du mien qui peut vous être agréable. »
    Exemple d’une théorisation explicite de la réduction de l’individu à un objet partiel.
    Son livre « La pornographie »
    La demande est explicite et cela sans que les parties génitales soient nommées. Amusant.

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 30 septembre 2010 à 13 h 18 min

    Merci François Merci Renée pour vos commentaires si riches.

    J’ai failli, Renée remplacer le mot médical par physiologique mais je n’ai pas osé. L’orgasme est un fait physiologique, mesurable et observable .. 😉

  • Commentaire de Renée — 30 septembre 2010 à 10 h 35 min

    Orgasme, du grec orgân: bouillonner d’ardeur

    Et dit autrement:
    Ce qu’en pensait Hortense de Villedieu au XVIIe s. est intéressant:

    L’orgasme est appelé « petite mort ». C’est l’écrivain Georges Bataille qui invente ce terme dans son roman “Madame Edwarda”. Cette analogie peut être expliquée par le fait que l’orgasme est une suspension provisoire du manque et du désir, comme la mort qui abolit toutes les tensions de la vie.

    Actuellement, les spécialistes de la toxicomanie utilisent aussi le terme de « petite mort » pour désigner l’état exaltique du toxicomane.

    Si l’orgasme est un fait médical, sa description est vague, et varie selon les écoles philosophiques et les cultures pour décrire ce sentiment de plénitude et de satisfaction.

    Cependant l’image de la mort accolée à la volupté ne date pas d’hier. « Je meurs entre les bras de mon fidèle amant. Et c’est dans cette mort que je trouve la vie », écrivait, au XVIIe ème siècle, Hortense de Villedieu dans un poème intitulé “Jouissance”, sans oublier : la chair est triste etc. etc.

    Cette lecture tragique de la culture encouragée par certaines idées philosophiques ou religieuses est une position dépassée depuis la libération sexuelle.

  • Commentaire de François — 29 septembre 2010 à 20 h 47 min

    Vulve pourtant, c’est doux en bouche. Coulant…. La représentation du sexe féminin est un tabou occidental surtout, voir les statues grecques où les organes génitaux masculins sont clairement visibles alors que sur les statues de femmes, il n’y a rien. Un triangle de peau lisse. Idem pour la peinture. Alors qu’en extrême-orient, on a pas ces tabous. Ni dans la statuaire ou l’art pictural, ni dans la langue où on utilise toutes sortes de termes poétiques et imagés.
    Les pires mots que j’ai vu en occident concernant le sexe sont dans la langue allemande.

  • Commentaire de Renée — 29 septembre 2010 à 11 h 49 min

    La laideur des mots…déjà l’histoire l’a dit autrement

    Extrait du livre de R. Muchembled, L’orgasme et l’occident , au chapitre « Plaisirs charnels, péchés mortels »,page 140.
    À Fanchon, leçon d’éducation sexuelle :
    « Cet engin, donc, avec quoi les garçons pissent s’appellent un vit, et quelquefois il s’entend par le membre, le manche, le nerf, le dard, et la lance d’amour ; et quand un garçon est tout nu, on voit qui lui pend au bas du ventre comme une longue tette de vache, à l’endroit où nous avons qu’un trou pour pisser »
    Du livre L’École des filles, un joyau libertin, 1655

    Renée

  • Commentaire de SophieSexologue — 29 septembre 2010 à 8 h 20 min

    Et que dire du « nerf honteux »?! 🙂

    Mais pour la mélodie des mots, les mots « vulve » et « vagin » sont les mots qui rendent le plus mal à l’aise dans mon entourage. C’est encore plus vrai pour le mot « vulve » pour lequel on m’a souvent dit « arrête de dire ça »!

Laissez un commentaire