Tout a été dit sur le cas Joël Legendre. Qu'il était un transfuge, un scab, qu'il mangeait à tous les rateliers. On a dit, moi la première, qu'il manquait de congruence voire de dignité, s'il allait manger dans l'auge dans laquelle il avait craché. Ce qu'il fit. Et il le fit allègrement, comme si de rien n'était, sans tambour ni trompette. Certains en ont fait un missionnaire en supposant qu'il tenait à s'adresser au lectorat du Journal de Montréal, qualifié par lui de "torchon", pour faire un peu l'éducation de ce "bon peuple". C'était bien mal connaître Legendre qui n'a rien à faire , ni du "militage" (sic), ni de l'éducation de masse, comme il l'a dit lui même chez Christiane Charette. D'ailleurs, quand il parle de "militage", c'est un peu choquant… Comme une manière, consciente ou pas, de dévaloriser tout ce qui est de l'ordre du militantisme, de l'idéal ou de la défense de causes supérieures. Enfin, bref, on a parlé de son opportunisme, de sa mollesse, de son sens désespérant du pardon. Patrick Lagacé lui a d'abord décerné le prix Nobel de la paix avant de se raviser et de lui attribuer celui de l'économie… C'est vrai que la plupart d'entre nous avons trouvé louche et indécent le fait qu'il pose, son livre de recettes ( et de recettes $$$) à la main, dans le lit du bourreau. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'à flagorner ainsi avec son agresseur, l'homme qui "s'est senti violé" est un bien mauvais exemple pour les victimes d'agression sexuelle!
Ceci dit, après avoir entendu Joël Legendre chez Madame Charette, mon indignation s'est estompée et je n'ai plus éprouvé pour lui qu'une sorte de compassion. Il m'a fait penser à ces femmes avec lesquelles j'ai travaillé et qui souffraient du "syndrome de la femme battue" . Le SFB se traduit habituellement par le fait que la victime concentre toute son énergie à prévenir une nouvelle attaque de la part de son conjoint, développant ainsi soumission et apathie, son jugement et son discernement fondant comme neige au soleil. Elle veut à tout prix être aimée.
Là s'arrête la métaphore. Le SFB est parfois invoqué comme défense par des femmes ayant tué leur conjoint violent. Joël Legendre lui, a régressé dans le désir qu'il avait évoqué, à l'émission "Tout le monde en parle", de tuer la Une qui l'avait "violé". Il s'est contenté, tristement, de recouvrir cette Une d'une autre Une le montrant comme l'homme qui pardonne, son livre de recettes à la main. Triste.