Mise à jour, mars 2012: Veuilez noter que le livre Les femmes vintage est désormais disponible exclusivement aux Éditions de l'Homme. Et, bien sûr,via Amazon.com.
Dans le numéro de novembre du magazine français Prima , la journaliste Danièle Laufer signe un très élogieux papier de mon livre Les Femmes vintage qui paraît cette semaine en France. J'y suis en ce moment pour en faire la promotion. L'article n'étant pas disponible en ligne encore, je le reproduis ici, texto.
« Les femmes mûres sont vivantes et sexy »
Dans Les Femmes vintage, la sexologue québécoise Jocelyne Robert nous brosse le portrait joyeux et déluré d'une génération de femmes qui aiment rire, vivre, aimer. Un essai réjouissant * à lire de toute urgence!
Prima. Ces fameuses femmes « vintage », qui sont-elles?
JR Des femmes qui ont franchi la cinquantaine et sont authentiques, pas retouchées et … savoureuses comme un bon porto millésimé. Ça n’est pas parce qu’elles sont au carrefour tabou du quinquagénat ou du sexagénat qu’elles se laissent mettre en quarantaine ! Elles n’ont pas de cadre de références puisque celles qui les ont précédées étaient déjà vieilles à cet âge ou avaient déjà trépassé. Elles doivent donc inventer leur vie. Les nombreuses années qui se déclinent devant elles méritent d’être vécues joyeusement. Ce sont des créatures toute nouvelles, sans précédent historique.
Elles inventent une nouvelle étape de la vie?
Les mœurs et mentalités ont toujours du retard sur les réalités. On continue de faire croire aujourd’hui que l’on passe du statut de femme mûre à celui de vieille femme. Or, entre la femme mûre ( de la quarantaine) et la vieille femme (de 75 ans et plus) il y a la femme mûre-mûre que j’appelle aussi la femme « soleil couchant » ou « vintage ». On peut parler de périandropause pour les 50-60 ans, de « sexagénat » et d’adultescence pour les 60-75 ans pour être en phase avec la réalité. Je suis toujours décontenancée quand, par exemple dans un sondage, on adresse une question au groupe des « 55 ans et + » ou des « 59 ans et + ». Il me semble incongru de mettre dans le même sac la femme de 55 ou 60 ans et celle de 80. Leur vécu, leur ressenti et leurs préoccupations ne sont pas les mêmes. Tant qu’à faire des cases et groupes d’âge, autant qu’ils soient représentatifs. Il y a autant de distance entre ma voisine de 84 ans et moi qu’entre ma fille de 39 ans et sa fille qui en a 15.
Adultescence, sexagénat… Inventer ces mots est une façon d'en finir avec le tabou de l’âge ?
Dans toutes les sociétés occidentales existent désormais une horde de femmes ( les baby-boomeuses) qui, bien qu’elles soient les plus nombreuses, et actives, appartiennent à un groupe d’âge « innominé ». A 60 ans, on n’est plus une femme mûre, mais on n’est pas non plus une vieille femme. Et c'est connu, ce qui n’est pas nommé est inexistant. J’ai seulement voulu nommer ce qui existe de manière aussi flagrante qu’un nez au milieu du visage.
Qu’est-ce que cette « féminomanie » que vous dénoncez ?
La course effrénée pour coller à tout prix aux clichés et stéréotypes culturels de beauté et de féminité. La femme « féminomaniaque » est une caricature de la féminité ou plutôt, de celle que nous impose le monde ambiant. La pression pour ressembler à un modèle hégémonique est devenue une réelle oppression. Mêmes seins soufflés à l’hélium, babines repulpées, yeux étirés, front botoxé… les femmes finissent toutes par se ressembler. Or, pour la grande majorité des femmes, même jeunes, il est bien difficile de ressembler à ce modèle sans se faire remodeler et transformer. Pour une femme mûre-mûre, c’est carrément impossible. Celles qui sont prises dans le tourbillon et poursuivent cette quête finissent par avoir l’air d’avatars, d’êtres humains fabriqués en série.
Mais ce n’est pas simple, de se voir vieillir…
C’est difficile car nous évoluons dans des univers nourris de doubles contraintes et doubles discours. Vieillir n'est pas un choix. Mais la société ne nous en donne pas, non plus, le droit. J’essaie d’introduire l’idée que la beauté n’est pas l’apanage exclusif de la jeunesse, qu’elle est multiple. Si l’on s’ouvrait, ne serait-ce qu’un tant soit peu, à cette idée, les femmes s’accepteraient bien davantage en vieillissant et accueilleraient plus joyeusement et plus sereinement les modifications liées à l’âge qui patinent le corps sans l’enlaidir.
Vous êtes drôle lorsque vous parlez de chirurgie "pathétique" au lieu de chirurgie esthétique!
Je veux juste que l'on cesse de nous faire croire que les rides sont obscènes. La grossièreté est ailleurs. La quadragénaire qui se donne des allures de nymphette et la sexagénaire qui se fait reconstruire en modèle trentenaire me semblent bien plus obscènes. La chirurgie esthétique me semble également pathétique parce qu'elle fige et pétrifie la chair, le visage, donnant au corps une aura de mort (fixité et "lissité") bien plus que de beauté (mouvement et vie). Les plus-que-quinquas que je connais sont belles et désirables, dans la mesure où elles sont vivantes et désirantes. Les femmes se font refaire pour demeurer séduisantes et désirables. Personne ne leur a donc jamais dit que l’érotisme est dans le mouvement et non dans la fixité ?
Vous dénoncez l’ « âgisme ». Est-ce par opposition au « jeunisme » ou parce que vous pensez qu’on accorde trop d’importance à l’âge, au détriment de la personnalité?
Je dénonce tout ce qui sépare, ce qui cloisonne et ostracise les êtres humains en les enfermant dans des petites boîtes bien étiquetées. Selon moi, l’âgisme est un enfermement, une mise à mort bien avant la mort. Le jeunisme est une idéologie, une religion, une idolâtrie, une illusion. On devrait plutôt faire la différence entre l’âge chronologique et l'âge subjectif ou ressenti. Au moment où j’écris ces lignes, il fait 33°C à Montréal mais avec l’humidité ambiante, on perçoit 40°. Il en va de même pour l’âge. Celui que l’on éprouve me semble bien plus vrai, plus authentique. Dans cet esprit, on est vieille quand on se sent vieille. Cela peut être à 40 ans ou à 90 ans, ou jamais, selon le "temps" qu’il fait à l'extérieur — l'environnement, le regard et le jugement des autres, etc.— et celui qu'il fait à l’intérieur de soi — satisfaction personnelle, estime de soi… Hélas, la météo extérieure contamine bien souvent notre météo intérieure.
Vous écrivez: « Avec les signes du vieillissement, vient souvent le talent pour le bonheur ». Promesse ou consolation ?
J’observe que de nombreuses femmes vintage sont, une fois l’orage passé, plus heureuses, mieux dans leur peau, dans leur tête, dans leur cœur et dans leur sexe qu’elles ne l’étaient à 40 ans. Elles sont aussi souvent plus heureuses et plus à l'aise que leurs cadettes. Je crois que l’aptitude au bonheur augmente avec la conscience de notre finitude ; elle est inversement proportionnelle à la dilution des quêtes futiles de performance, de rivalité, de besoin de paraître… Au tournant de nos 50 ou 60 ans, on prend soudain conscience que voici venu le temps de vivre. C’est maintenant ou jamais. Donc, c’est maintenant!
Jocelyne Robert. Écrivaine et sexologue, elle a écrit une douzaine d'ouvrages sur la sexualité et se définit comme "sexosophe"car, pour elle, la sexualité est une philosophie et l'érotisme, une célébration de la vie. Elle tient également un blog suivi par plusieurs miliiers de personnes autour du monde : jocelynerobert.com