Encore un paradoxe de nos sociétés: de toutes les professions, j'oserais dire que celle de sexologue est à la fois la plus aimante et la plus ma-aimée.
Le simple fait qu’on se demande encore qui fera l’éducation sexuelle scolaire (si elle finit par advenir) est un total non-sens. Et cela montre bien combien cette profession, dans une société qui distille du « cul mur à mur », est pestiférée.
Se demande-t-on qui aller voir si on a mal au ventre ? Non, on va chez le médecin. Et on appelle un architecte pour concevoir les plans de sa maison, un avocat pour un problème juridique , un comptable pour ses impôts…
Le fait que tout un chacun s’improvise spécialiste en éducation sexuelle, sexologue ou éducateur à la sexualité montre qu’on sous-évalue cette formation professionnelle et qu’on sous-estime le champ de compétence des vrais professionnels de la sexologie. On ignore les énormes dégâts causés par les pseudo-sexologues, pseudo-éducateurs à la sexualité. Sérieusement, je crois avoir passé la moitié de ma carrière à réparer les pots cassés par d’autres !Personne ne confierait sa santé au premier venu qui a lu un livre ou deux de médecine! Pas plus que son portefeuille à une personne qui prétend savoir compter !
Que d’incohérence et d’incongruence de la part de nos décideurs! Comment l’UQAM peut-elle continuer à former à la pelletée des sexologues alors que les milieux dans lesquels ils pourraient travailler leur ferment les portes ? Comme l’État peut-il continuer à subventionner ces lieux de formation? Comment a-t-on pu, il y a 25 ans, mettre au menu scolaire un formidable programme d’éducation à la sexualité sans jamais fournir les ressources nécessaires qui auraient permis de le rendre efficace ? Puis, le retirer sans se demander pourquoi il n'avait pas fonctionné comme il aurait pu et dû?
J’ai récemment signé la lettre du Collectif de sexologues qui demande à la Ministre de l’Éducation d’intégrer les sexologues dans la mise en place de l’éducation sexuelle scolaire. J’ai souri, en la signant, car je me suis rappelé que, jeune sexologue, je m’étais ralliée à une démarche en tous points semblable. L’histoire se répète: c’était il y a 30 ans.
Ne laissons pas, cette fois-ci, l’éducation sexuelle à l’école (promise par la ministre )se faire sans eux et elles. Exigeons que l'état québécois ait la cohérence de reconnaître « ses » professionnels de la sexologie, en leur accordant la place qui leur revient dans les institutions qui pourraient s’enrichir de leurs compétences.
Ce ne sont pas des raisons « corporatistes » mais humanistes qui motivent ma position. C’est le bien-être de nos enfants, de nos adolescents, des adultes de demain qui nous indique clairement de « donner de la job » aux pédagogues de la sexualité. N’oublions pas qu’en bout de ligne, une éducation sexuelle lumineuse et bien prodiguée permettra de faire des économies substantielles ( its, ivg, thérapies, problèmes d’estime de soi, dépression affective, délinquance sexuelle, violence sexuelle, grossesses involontaires etc). Sans compter, qu’elle videra les bureaux des sexologues cliniciens 🙂
Et puis, l’éducation sexuelle, faut-il le rappeler, est aussi une éducation à l'affectivité. Elle ne professe pas le sexe, elle proclame la vie. La fierté d’être garçon ou fille. La liberté. La dignité. En lien avec ce billet, lire, vous pouvez lire sur ce blogue "Profession honteuse"