jocelyne robert

                                                                                                         C'est un signe des temps que l’on cherche à définir le sexe plutôt que la sexualité . Rigide et focalisé, nombriliste et génitaliste, le sexe règne.  Il a tassé sa frangine, la sexualité, qui, dans son coin, continue d’embrasser les panoramas affectif, sensuel, émotionnel et identitaire.

Sexe et sexualité : jumeaux issus du monde biologique, constitués d’un brin de nature et d’hormones, d’une pelletée de culture et d’éducation. Souvent réprimés, parfois déprimés, toujours imprimés et exprimés dans les existences singulières, les sociétés, les histoires… Le sexe actuel est transversal. Il infiltre toutes les sphères d’activités. Faussement démocratique, il se réserve aux chairs fraîches, lustrées, épilées, liposuçées…. Ses acteurs, machines distributrices de pipes et d’orgasmes clinquants, carburent aux dragées bleues. La sexualité, sa jumelle en fugue, a faim d’imaginaire, d’étonnement et d’insaisissable. Elle aime la baise pourtant! Surtout quand ça résonne à l’intérieur, quand les yeux bandent et mouillent de joie et de désir.

Paradoxe, l’air du temps est virtuel. Tantôt, les yeux bouillis par les cristaux, on contemple des inconnus qui forniquent en direct sur le net. Par procuration, les fantasmes sont exaucés : le cyberbaiseur arrose à son heure; sa cyberfemelle est salope à souhait. Elle secoue, au nord d’une vulve de nymphette, des mamelles salines, de nourrice. Sa bouche, sorte de tire-sperme patenté, cacherait-elle des muqueuses tapissées de clitoris? Elle semble jouir en trayant…  Lui, il remplit tous ses orifices puis la oint de sa signature éjaculatoire. Tantôt pro-actif, on joue au docteur et à touche-pipi à l’aide de sa souris avant de griller sa nuit dans des clavardoirs érotiques. On oublie que les amants de l’intersidéral sont presque toujours, dans le réel, des âmes solitaires qui n’ont pas reniflé «corps qui vive» depuis des lustres.

Désormais, pour correspondre à la fiction, des femmes se paient un resserrement vaginal et des hommes obtiennent une augmentation pénienne. Si la tendance se maintient, l’union coïtale se fera rare : le tunnel sera trop étroit pour accueillir l’engin ! On se branlera l’un en face de l’autre. Il n’aura pas trop de ses deux mains pour dresser sa trompe éléphantesque.  Elle câlinera, en suçant son pouce, sa chatte glabre de fillette nubile.

Peut-être alors magnifiera-t-on l’époque où on avançait, émus, à la rencontre de l’autre.

Alors, on inventera le sexe relationnel. On dira que c’est la révolution. Sexuelle. 

Note:  Ce billet est adapté d'un article que j'ai publié dans le magazine l'Actualité mars 2006

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Publié dans : Billet d'humeur ou d'humour, Culture et Société, Femmes, Hommes, Sexualité et Sexologie
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10 commentaires

  • Commentaire de Ana — 28 mai 2011 à 18 h 48 min

    C’est l’«amitié» (le «friend») qui y perd le plus là-dedans, selon moi. Parce qu’on qualifie trop rapidement des gens que l’ont croise de temps en temps d’«ami»… alors que les vrais amis sont rares et précieux. Disons des… «baises entre connaissances»… honnêtement, je ne sais vraiment pas.

  • Commentaire de Ana — 28 mai 2011 à 18 h 45 min

    Hum. Deux amis qui décident de coucher ensemble pour ne pas «risquer d’être en manque sexuel». Deux personnes qui veulent une amitié, quelque chose de non romantique, pas du tout engageant (même pas de téléphone la semaine juste pour parler) et des relations sexuelles… Ce n’est pas mon type de relation, alors je ne sais pas comment les qualifier. Pour moi, «amant» implique quelque chose de plus. Je ne vois ces relations que de l’extérieur et j’emploie pour les qualifier les termes de mes amies qui les vivent, ces relations.

  • Commentaire de Renée — 27 mai 2011 à 20 h 33 min

    Fucks friends …la job. Marie-Danièle
    Je n’aime pas ce qualificatif. Trop vieille dans le temps?
    Non. J’ai déjà eu un mari et on a eu deux enfants, par la suite, j’ai eu un bon ami de fin de semaine…un chum de fin de semaine…un amant.Comment appeler ça? La semaine on se parlait au téléphone longuement.

  • Commentaire de Marie-Danièle — 26 mai 2011 à 16 h 32 min

    Pour ma génération, c’est le contraire. Les jeunes femmes cherchent les fucks friends. Les jeunes hommes sont dépassés. C’est la relation qui manque aux deux. Les femmes n’attachent pas les hommes avec les relations sexuelles! Au contraire, si je ne me trompe pas, d’un point de vue technique, c’est l’homme qui attache la femme puisque c’est chez elle que l’hormone d’attachement dûe aux relations sexuelles se répend le plus rapidement!

    Ce qui manque, c’est de la communication, de la confiance en soi et en l’autre. C’est le temps et le désir de rencontrer quelqu’un pour vrai. Apprendre à connaître. Se mettre à nue aussi. On se consomme et c’est bien triste.

  • Commentaire de Luc Ménard — 18 mai 2011 à 12 h 41 min

    Visions féministes du sexe et de la sexualité…Je vous donne un point de vue d’homme.
    Il me semble qu’il manque un aspect à ton point de vue…C’est pourquoi la relation homme-femme en est rendu là? Qu’est ce qui fait peur aux hommes pour qu’ils préférent le sexe virtuel et chercher à être un fuckfriend seulement? Qu’est ce qui fait peur aux femmes pour qu’elles n’utilisent plus la sexualité et le sexe comme une monnaie d’échange à l’engagement de l’homme dans une relation? Le sexe relationnel sera possible lorsque la femme arrêtera de vouloir contrôler l’homme avec le sexe qu’elle lui donne, et lorsque l’homme pourra être capable de parler des vraies choses…du sexe, de la sexualité et des ses goûts… sans avoir peur de passer pour un pervers auprès de la femme…Juste à ce moment…ca sera possible..

  • Commentaire de Renée — 14 mai 2011 à 16 h 58 min

    Les nouveaux double standard , le cybersexe.
    « La pornographie de plus populaire est celle dans laquelle s’activent monsieur et madame Tout-le-monde, qui met en scène des hommes et des femmes imparfaits, normaux et ordinaires… Comme si la pornographie maison venait humaniser les marionnettes corporelles trop bien huilées et lustrés » Les femmes vintage de JR., page 189
    Téléréalité d’un besoin narcissique ou encore manifestation d’une bisexualité non avouée.
    Double standard , celui du porno pour l’effet pop-corn ou des réseaux contact pour la « courtoisie ».
    Processus de civilisation : la transformation des aliments comparable à celle des pratiques sexuelles. La pornographie ne cesse de s’adapter aux besoins du contemporain. Certains en seront aliénés.
    J’ai longuement parlé sur le sujet . Libre à vous de consulter mon blog sur les images du corps (sans cul) et sur le corps des hommes, les yeux des femmes .
    Plus précisément en date du 15 fév. 2010 … « La sexualité humaine à l’heure du web »

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 14 mai 2011 à 15 h 54 min

    Que dire..? Merci! Je pense que ce billet touche beaucoup. 🙂

  • Commentaire de Carole Gamache — 14 mai 2011 à 15 h 05 min

    Ouf!Tellement intéressant et vrai.J’espère qu’il sera lu par plein de gens.J’ai partagé sur Facebook.Toujours un plaisir immense de vous lire.Quelle lucidité et pertinence, toujours vous avez.Je vous admire.

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 13 mai 2011 à 19 h 13 min

    Extrêmement intéressant votre propos. Merci de l’avoir partagé!

  • Commentaire de Marie-Danièle — 13 mai 2011 à 19 h 09 min

    Je suis malheureusement terriblement d’accord. J’ai mal parfois d’entendre mes amies me raconter… ce que j’entends comme leur besoin d’être une poupée sexuelle.

    Par contre, et c’est peut-être juste autour de moi, mais je remarque que l’envie de sexe et non de sexualité est de plus en plus féminin. Autour de moi, ce sont mes amies qui ne «peuvent» passer deux semaines sans baiser et qui veulent absolument des «fucks friends» plutôt que des relations stables. Alors que les gars que je connais s’abstiennent et attendent de trouver la «bonne personne» et désirent des couples stables.

    Les vieux préjugés ne tiennent plus. La balance se renversent. Et peut-être que ce seront les hommes qui «ré-inventeront» la sexualité relationnelle?

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