C'est un signe des temps que l’on cherche à définir le sexe plutôt que la sexualité . Rigide et focalisé, nombriliste et génitaliste, le sexe règne. Il a tassé sa frangine, la sexualité, qui, dans son coin, continue d’embrasser les panoramas affectif, sensuel, émotionnel et identitaire.
Sexe et sexualité : jumeaux issus du monde biologique, constitués d’un brin de nature et d’hormones, d’une pelletée de culture et d’éducation. Souvent réprimés, parfois déprimés, toujours imprimés et exprimés dans les existences singulières, les sociétés, les histoires… Le sexe actuel est transversal. Il infiltre toutes les sphères d’activités. Faussement démocratique, il se réserve aux chairs fraîches, lustrées, épilées, liposuçées…. Ses acteurs, machines distributrices de pipes et d’orgasmes clinquants, carburent aux dragées bleues. La sexualité, sa jumelle en fugue, a faim d’imaginaire, d’étonnement et d’insaisissable. Elle aime la baise pourtant! Surtout quand ça résonne à l’intérieur, quand les yeux bandent et mouillent de joie et de désir.
Paradoxe, l’air du temps est virtuel. Tantôt, les yeux bouillis par les cristaux, on contemple des inconnus qui forniquent en direct sur le net. Par procuration, les fantasmes sont exaucés : le cyberbaiseur arrose à son heure; sa cyberfemelle est salope à souhait. Elle secoue, au nord d’une vulve de nymphette, des mamelles salines, de nourrice. Sa bouche, sorte de tire-sperme patenté, cacherait-elle des muqueuses tapissées de clitoris? Elle semble jouir en trayant… Lui, il remplit tous ses orifices puis la oint de sa signature éjaculatoire. Tantôt pro-actif, on joue au docteur et à touche-pipi à l’aide de sa souris avant de griller sa nuit dans des clavardoirs érotiques. On oublie que les amants de l’intersidéral sont presque toujours, dans le réel, des âmes solitaires qui n’ont pas reniflé «corps qui vive» depuis des lustres.
Désormais, pour correspondre à la fiction, des femmes se paient un resserrement vaginal et des hommes obtiennent une augmentation pénienne. Si la tendance se maintient, l’union coïtale se fera rare : le tunnel sera trop étroit pour accueillir l’engin ! On se branlera l’un en face de l’autre. Il n’aura pas trop de ses deux mains pour dresser sa trompe éléphantesque. Elle câlinera, en suçant son pouce, sa chatte glabre de fillette nubile.
Peut-être alors magnifiera-t-on l’époque où on avançait, émus, à la rencontre de l’autre.
Alors, on inventera le sexe relationnel. On dira que c’est la révolution. Sexuelle.
Note: Ce billet est adapté d'un article que j'ai publié dans le magazine l'Actualité mars 2006