Multiple, vulvanescente et sans vulvarité…
Quand je faisais l'éducation sexuelle des enfants, je disais, au chapitre de l'anatomie: "Vous savez, la vulve, c'est un peu comme un visage: on a tous deux yeux, un nez, une bouche, un menton mais chaque visage est unique. Toutes les filles ont un clitoris, des grandes lèvres, des petites lèvres, un orifice vaginal, mais chaque vulve est unique. On a un grain de peau, une pigmentation, des muqueuses, des traits vulvaires qui varient comme les traits du visage. Les enfants aimaient bien. Ça les rassurait. Surtout lorsque les filles s'étaient comparées entre elles ou lorsqu'elles avaient vu des images sur lesquelles elles ne reconnaissaient pas trop leur "style" génital singulier.
Aujourd'hui, ce sont les femmes adultes qu'il faut rassurer. Souvent soucieuses de ressembler, seins et vulves liés, aux modèles de la pornographie, inquiètes, elles aussi, de leur "normalité" ou de leur beauté non standardisée, plusieurs vont consulter en chirurgie plastique pour correction vulvaire ou vaginale. L'une voudra des petites lèvres moins pendouillantes; l'autre, un bouton clitoridien plus impertinent; une autre encore souhaitera une coloration génitale plus rose…. Combien de fois faut-il le répéter? Les vulves de la pornographie sont trafiquées: elles sont rosies, lustrées, gonflées, illuminées…
Regardez-moi cette vulve aux nymphes chocolatées! La chirurgie vulvaire, aussi appelée nymphoplastie, qui vise à corriger les lèvres de la vulve est, hélas, de plus en plus en demande et de plus en plus pratiquée. Si cela n’est pas une forme de mutilation génitale, dites-moi ce que c’est! Sans compter qu'il y a risque d'abîmer des terminaisons nerveuses si indispensables au plaisir. Comment expliquer que dans des sociétés si sexualisées, si supposément libérées, on valorise si peu l’unicité? Si la tendance se maintient, toutes les femmes matures auront, après quelques passages sous le bistouri, un visage et une vulve en tous points semblables! Au diable l'étonnement et la surprise! Pfft!…
Toujours dans cet esprit tordu d'uniformité, on estime qu'aux Etats-Unis, environ 2 000 bébés filles subiraient chaque année une correction chirurgicale consistant à réduire leur clitoris jugé trop proéminent. Ceci, non pas en raison de croyances religieuses ou culturelles mais parce qu’on a jugé le petit organe trop volumineux! 1Alors, on les standardise en les taillant, en les repliant ou en les amputant! En Amérique, on appelle correction chirurgicale ce qui est une forme de clitoridectomie. Il semble que ce type d’intervention, assez loin de l’idée qu’on a de la médecine moderne occidentale, serait monnaie assez courante.
Sur quels critères se base-t-on pour décider qu’un clitoris est surdimensionné? Tout ce qui sourit à l’extérieur des douces et discrètes lèvres vaginales est-il passible d’ablation? Quel est ce monde de fous dans lequel on ouvre les bras à l’ambiguïté sexuelle des vedettes rock tout en les fermant à des nouveaux-nés.