Dominique Strauss Kahn, le dr Guy Turcotte, Claude Robinson ont quelque chose en commun selon moi. Ils ont pu, soit profiter de la justice de classe, soit en avoir été victime.
La justice de classe : ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas
Contrairement à ce que plusieurs croient, la justice de classe n’est pas cette supériorité pécuniaire des riches leur permettant de tout acheter… Ou presque. Elle est bien plus vicieuse et plus insidieuse que cela. La justice de classe s’incarne dans la tête des gens, des gens ordinaires ou moins ordinaires. Elle est dans la tête de tout le monde, plus ou moins consciemment.
Elle réside dans cette idée bien intégrée qu’on ne peut pas être un « vrai méchant » quand on a un standing social et économique élevé ou qu’on exerce une profession digne et très respectable, portée aux nues dans nos sociétés. Ou qu'on ne peut pas être un "vrai bon" si on est au bas de l'échelle sociale et donc, des valeurs véhiculées par le haut de cette échelle. Sans clivage, pas de justice ou d'injustice de classe.
DSK Justice de classe favorable?
J’ai dit déjà que la justice de classe pouvait favoriser Dominique Strauss-Kahn. Comment ? Parce qu’il est bien ancré dans la tête des gens que : «Un grand de ce monde, un grand socialiste, un politique supposé être au service de la justice sociale et de l’égalité, un éventuel président d’un pays aussi démocratique que la France, ne peut pas avoir agressé sexuellement une femme de chambre. Voyons donc! Cela est impossible. Avec ses millions en plus, il peut tout s’offrir et il a une épouse si dévouée, si belle … »
Guy Turcotte Justice de classe favorable?
Je crois que la justice de classe a pu favoriser le jugement de « non responsabilité criminelle » rendu par le jury dans le procès du Dr Turcotte, lequel a reconnu avoir poignardé ses deux enfants. Comment? Parce qu’il est bien ancré dans la tête des gens que : «Un homme si bien, si éduqué, un bon médecin en plus, un cardiologue de surcroît, voué à soigner et à sauver des vies, ne peut pas avoir sciemment tué ses enfants bien-aimés. Allons, soyons sérieux, cet homme n’était surtout pas un sauvage et un deux de pique… »
Claude Robinson Justice de classe défavorable?
Là, nous sommes devant le contre-exemple. C’est-à-dire devant une situation où la justice de classe a pu jouer au détriment de la personne. Dans la cause de Claude Robinson entendue en Cour d’appel, il fut décidé de réduire à 2,7M$ les 5,2M$ accordés par le juge en première instance. Or, Robinson a perdu 15 ans de sa vie, d’insoupçonnables revenus et surtout, il doit 3M$ de frais d’avocats. Les juges en font un glorieux en faillite ! Se pourrait-il que soit bien ancrée dans leur tête l’idée que : «Un créateur de bandes dessinées et sa création, ça puisse peser moins dans la balance que ce qu'y déposent les grands argentiers de la planète… ? Que 2,7M$, c’est une somme énorme et bien suffisante pour un artiste-créateur (tant pis s’il doit la verser à ses avocats !) car après tout, la majorité d’entre eux ne peinent-ils pas à boucler leur budget… ? »
Se pourrait-il que soit bien ancrée dans leur tête, l’idée qu’un artiste ou un créateur, si prodigieux soit-il, ça ne fait pas partie de l’élite, la "vraie élite" et que, par conséquent, il doit se contenter de moins, en raison même de sont statut…. ?
Tout cela étant bien sûr inconscient. Ou plus ou moins conscient.
_________
Note à ceux et celles qui voient dans toute opinion, un jugement : ceci est une réflexion sur la justice de classe dont tout le monde parle et qui est rarement définie en dehors de l’économie politique. Une humble tentative pour expliquer comment elle agit. Il peut paraître étrange de faire se jouxter ces trois histoires totalement différentes. Je ne suis pas dupe. Je les saisis parce qu’elle sont dans l’actualité et illustrent mon propos.
Pour en savoir plus, voir le concept d'habitus de Pierre Bourdieu