jocelyne robert

Toute la vie est désir…

La plupart du temps quant on parle de désir, on pense au désir sexuel : panne de désir, troubles du désir, insuffisance de désir etc. À preuve, si vous recherchez dans Google des images liées au mot « désir », ce sont exclusivement des images sexuelles qui surgissent.

Pourtant, la littérature sexologique a été bien silencieuse à cet égard. À ce point que, jusqu’aux années 90′,  celui-ci ne faisait pas même partie des phases de la réponse sexuelle ainsi déclinée: excitation, plateau, orgasme et résolution. C’est Helen Singer Kaplan qui a évoqué l’idée qu’il était à la base de la progression de la volupté.

Nous savons peu de choses du désir. Quelles distinctions pouvons-nous faire entre désir relationnel, désir amoureux, désir d’être reconnu, désir de plaire, désir de baiser, désir de posséder ou de se certifier que l’on peut posséder si on le veut…? Entre tomber en amour et tomber en désir? Arrêtons-nous un moment au phénomène des « couples en panne de désir », problématique récurrente et encombrant le paysage médiatique. En y regardant de près, on constate que jamais les spécialistes ne proposent des solutions susceptibles de développer le désir. Ils offrent plutôt une récupération exaspérée de l’excitabilité. À l’égard du désir, ils ont les mains vides, comme si celui-ci était un sujet trop complexe, issu de causes impalpables. Le corps médical sait corréler les liens entre hormones, excitation et orgasme mais ne possède aucun système valable pour l’évaluation et le traitement des « troubles du désir ». Comme on ne peut le réduire au manège hormonal, on ne peut pas davantage le simplifier au jeu des connections neurologiques.

Le désir fait appel à la conscience et aux émotions

Il transcende le système neurologique.  Et le système biologique.  Pour ma part, j’ai toujours cru qu’une panne de désir était une sorte de panne de vie…  Bien avant de dilater et de lubrifier les sexes, c’est la pupille de l’œil que l’intérêt sexuel dilate et enlumine. Le désir réveille aussi la faculté essentiellement créatrice de fabriquer des images qui provoquent et alimentent le goût de l’autre. Désir et fantasme se chevauchent et se rehaussent de mille nuances. Le premier est une disposition intérieure, un projet de convoitise et cela, même quand il n’y a pas d’objet ou de sujet de concupiscence. Le second est une perception mentale, un contenu de l’imaginaire, un cinéma intérieur.

En cette ère de cul mur à mur, il m’arrive, souvent, de rencontrer des jeunes filles et femmes dont l’estime d’elles-mêmes est en chute libre. Elles me racontent les acrobaties sexuelles et virtuelles auxquelles elles se sont prêtées. Lorsque je leur demande si elles proposent et initient ces activités, si elles les ont « dé-si-rées »,  la réponse est : « Es-tu malade ! », ou : « Des fois… pour faire plaisir ».

A-t-on réellement consenti à un rapprochement sexuel qu’on ne désire pas avec toutes nos cellules ? Chez certaines, malgré l’hypersexualisation de nos sociétés, le désir est si étranger à leur univers sexuel personnel qu’il faut leur expliquer en quoi il consiste et comment il se manifeste :  « Si tu évoques telle conduite sexuelle, est-ce que tes seins gonflent leurs voiles ? Est-ce que tes mamelons surgissent de leurs bonnets ? Est-ce que ton clitoris fait toc toc ? Est-ce que ton sexe salive d’envie ? Est-ce qu’une joyeuse tension relie tout cela ?… » Non..? Alors tu ne désires pas.

Vous êtes attiré par une personne. Vous sentez des petits crochets entre elle et vous. Cette femme ou cet homme vous plait et vous captive : vous aimez son odeur, sa mouvance corporelle et recherchez sa présence. Vous voulez son regard posé sur vous. Vous êtes irrésistiblement attiré-e, fasciné-e… Après une période plus ou moins longue de rituels de séduction, d’avancées et de prises de distance, s’il y a réciprocité et consentement, vous accèderez peut-être à l’intimité érotique au creux d’un lit …
Quand le désir brut est l’unique moteur d’un rapprochement semblable, une fois satisfait l’attrait ou le goût de conquérir, l’autre redevient ordinaire, banal et « résistible ». Le désir est enivrant. Au passage d’une personne envoûtante, apparemment inaccessible et impénétrable, il est porté à son paroxysme. Mais c’est d’abord de son propre désir qu’on se grise. La personne devenue accessible et donc « accédée », le sortilège s’évanouit et le désir émoussé commence, dès lors, à se rendre disponible à une nouvelle source (et cible) de stimulation… Voilà pour le désir nu qui ne se transforme pas en amour ou en attachement.
Désir de plaire, de séduire et d’être séduite, désir d’être, jusqu’à 1000 ans, désirée, désirable et désirant-e. Aucune félicité n’est comparable à l’état de désir, au bonheur de se sentir habitée, occupée, boursouflée, renversée par son propre désir…

Le désir qui comble n’est pas perçu comme un manque

Désirer c’est vivre. Ma mère disait, en maniant méditativement les aiguilles « L’important c’est pas le tricot, l’important, c’est de tricoter. » Désirer, c’est comme tricoter : un état de méditation-action aussi captivant et délectable que son aboutissement. Lorsque je suis séparée de l’homme que j’aime pour une longue période, ce qui est assez fréquent, mon état de désir me remplit, me rend consciente d’être pleinement vivante. C’est un redoutable plaisir, une sensation prolongée de suspension érotique. Le désir qui comble n’est pas perçu comme un manque. Il peut être plénitude.

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5 commentaires

  • Commentaire de Renée — 9 octobre 2011 à 17 h 49 min

    Du désir au plaisir, une autoroute, un pont, une escalier à descendre ou à monter.
    Désirs solitaires habités par nos souvenirs ou nos souhaits.
    Désirs assités par la fine technologie.
    Désirs partagés…avec qui? Le conjugal depuis longtemps, le temporaire depuis peu de temps, le nourrrissant depuis quand?

    Désir attirant sans vouloir sauter la clôture…dangereux . Un désirant blessé ne saurait offrir son corps.
    J’ai connu des plaisirs étouffés par un trop grand désir. J’ai apprécié des plaisirs manipulés par un lent désir…lent , lent , comme une berceuse. À apprécier le corps du « collaborater »,
    Et de ces plaisirs rapides comme… une aération.
    Renée

  • Commentaire de Mario Bellavance — 9 octobre 2011 à 16 h 43 min

    Désir comme le pays que l’on ne cesse de désirer…
    À mon avis, Julio Iglesias fut le plus grand interprète du désir. Or, dans ce qui m’apparaît sa plus belle chanson, il chanta les charmes de son pays sous les traits d’une femme : Un canto a Galicia. Aussi, est-ce en ces termes que je veux vous présenter le désir… Le désir, je l’ai vu dans les yeux de Marie, ceux de la beauté et de l’innocence, je l’ai ressenti sous l’excitation de Patricia en quête d’une terre d’accueil, d’un havre de PAIX, je l’ai exploré précieux comme la grâce de Francine sous les remparts souverains. Le désir c’est aussi, la fougue de Louise, le sourire de Rose-Marie et la sensibilité de Diane… Le désir c’est un pays… Ce sont ces femmes qui vibrent de toutes leurs émotions, de toutes leurs couleurs, de toutes les notes de l’alphabet musical dans une grande manifestation multi-média offerte à l’univers en toute gratuité, en toute liberté!!!

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 9 octobre 2011 à 9 h 41 min

    @Delphine
    Merci! Revenez-nous souvent avec votre grain de sel et de désir…

  • Commentaire de Fauvernier — 9 octobre 2011 à 9 h 23 min

    Bonjour,
    Excellent article, merci. Le désir est une pulsion sensorielle et émotionnelle. Une envie libidineuse, organique, épanouissante, exaltante, pour ressentir des émotions, pour se sentir exister au travers, le désir de l’autre, un regard, un rapprochement charnel, une sensation enivrante et excitante…afin de soit combler un manque, un besoin soit éprouver un sentiment de bien-être. De l’assouvissement du désir sexuel né l’extase avec comme seule prérogative la réciprocité du désir entre les deux partenaires. Désirer, mais aussi donner l’envie d’être désiré(e) car le désir est comblé si échange il y’a. On ne se lasse pas de désirer, on se lasse du désir qui s’essouffle, du rituel routinier moins excitant, alors il faut faire preuve d’imagination, s’ouvrir sur d’autres pratiques, communiquer sans tabou pour préserver la flamme du désir. Bien à vous. Delphine

  • Commentaire de Sonia — 9 octobre 2011 à 4 h 20 min

    Vous avez tellement raison! Merci de nous ramener à l’essentiel!

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