MAJ , le 6 septembre 2018.
Elle fut la femme de plusieurs vies et combats. Elle fut la femme de ma vie.
J’ai écrit le texte qui suit il y a 7 ans. Je persiste et je signe: Aujourd’hui, une géante nous a quitté·es.
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Octobre est le mois de l’histoire des femmes. Cocasse, c’est ma maison d’édition, les Éditions de l’Homme, qui me l’a rappelé en m’interviewant pour son blogue.
Cela m’a m’a fait penser aux femmes qui ont marqué notre histoire et en particulier à Lise Payette. Cette femme a été pour moi le phare parmi les phares, le modèle parmi les modèles. Elle a coloré, influencé, poussé le Québec en avant dans tellement de domaines. Elle m’a poussée en avant, m’a contaminée de son énergie à mettre en place les changements souhaités
Elle a eu 80 ans cette année. Vous dire combien je l’admire, combien elle m’a influencée… Je l’ai aimée et admirée comme animatrice de radio dans Place aux femmes, puis à la télévision dans la légendaire émission Appelez-moi Lise.
Je l’ai aimée et admirée comme Ministre du Gouvernement de René Lévesque: à la condition féminine, puis à la consommation, aux coopératives et institutions financières, puis au développement social.
Je l’ai aimée et admirée comme auteure de l’essai Le pouvoir connais pas. Puis comme auteure du célèbre téléroman Des dames de cœur, à cette époque où, jeune sexologue, je m’étais risquée à faire, à la radio, l’analyse sexologique de son célèbre personnage macho, l’innommable Jean-Paul Belleau…
Savez-vous que Lise Payette est la première femme à s’être faite appeler «la» ministre au lieu de «le» ministre. Elle a lancé le mouvement de la féminisation des titres et on lui doit la réforme de l’assurance automobile et celle du droit de la famille.
Aujourd’hui, je veux, je peux et je tiens à lui « bloguer » toute l’estime que j’ai pour elle. Avant, j’étais trop impressionnée par le personnage. Et je manquais gravement de simplicité. Laissez moi vous raconter…
C’était il y a près d’un quart de siècle. J’avais écrit ce livre destiné aux parents et au monde de l’enseignement sur l’éducation sexuelle des enfants et des adolescents. Le titre : « Parlez-leur d’amour… ». Je mets l’image en gros pour qu’on voie bien le nom de ma préfacière… Ce livre poursuit sa route encore aujourd’hui, retitré Parlez-leur d’amour… et de sexualité. Mon éditrice d’alors, Francine Montpetit, m’avait demandé si je souhaitais une préface à cet ouvrage et j’avais rétorqué en boutade: « Oui. Je veux une préface de Lise Payette. C’est elle ou rien! » Francine m’a prise au mot et a envoyé mon manuscrit à Madame Payette qui l’a lu et a accepté d’en écrire la préface.
Dire ma joie, ma fierté qu’elle accepte ! Cela ne se décrit même pas. Médusée quand j’ai eu la nouvelle au téléphone. J’étais heureuse mais trop impressionnée. Je n’y croyais pas. Le soir du lancement, dans une grande salle glaciale du collège Jean-Eudes, mon malaise était si grand que j’aurais presque souhaité qu’elle ne vienne pas. Mais elle est venue, accompagnée de sa fille Sylvie et de son conjoint, Sylvie qui signait alors Chambre en ville.
Les tables prévues pour les signatures de livres avaient été disposées de bord en bord de cette grande salle plutôt que côte à côte. Cela m’arrangeait. Je me cachais de mon idole derrière cette foule qui faisait un mur entre nous deux… Je craignais de me brûler si je m’approchais trop près de la lumière. Madame Payette dédicaçait de son côté, moi du mien. À peine si nous nous sommes croisées sur la scène pour un bref discours respectif : le sien réitérant son total appui à ce que je disais dans ce livre ; le mien lui exprimant ma gratitude la plus plate et toute mon admiration constipée. Une maladresse sans fin drapée dans une aisance de pacotille.
J’étais gênée. Intimidée. Je ne me sentais pas à la hauteur de cette fleur qu’elle me faisait. Quand nos moyens prennent le bord comme ça, c’est bien le signe qu’ils sont fragiles nos moyens. Manque flagrant de simplicité. Comme cela est souvent le cas quand on est jeune… Et bête. Combien de fois ai-je repensé à cette soirée, un peu honteuse d’avoir presque fui Madame Payette alors que je voulais lui embrasser les pieds ? Combien de fois ai-je voulu lui écrire, rire de moi avec elle…
Que lui aurais-je dit? Que je n’aurais pas été plus subjuguée si Simone de Beauvoir ou Marie Curie s’étaient pointées à mon lancement . Que l’arpète n’était pas prête à rencontrer son totem… Et surtout, que sa confiance m’a donné des ailes.