Sexistes ou sexy vos citrouilles d'Halloween?
Peut-être les deux, ces "facultés'" étant proches parentes.
Sexisme. Certains le croient révolu. Et clame que le fait d'en parler constitue un anachronisme.
Ce jour là, je terminais un atelier avec des jeunes dits « en difficulté » : des gars misogynes, machos jusqu’au trognon, homophobes, violents. Des filles bourrées de problèmes alimentaires, givrées, dépendantes affectives, tolérantes envers leur Jules au point de tolérer l’intolérable. Hum… besoin d'air frais. Ça ne pouvait mieux tomber: je partageais le reste de ma journée avec Alice, ma petite-fille de 5 ans. Une bouffée d’oxygène, pensai-je. On est loin de la féminomanie, de la virilomanie et des stéréotypes obèses à cet âge…
La classe de maternelle revient d’une escapade dans les pommes. Radieuse, ma gourou serre son petit sac de fruits rouges sur son cœur. C'est lourd. Elle m’autorise à porter ses deux petites citrouilles. Chemin faisant, on croise Mathias, voisin et ami d’Alice, 5 ans lui aussi. Elle lui montre fièrement sa cueillette
_ «Moi aussi je suis allé aux pommes. Et mon sac était bien plus gros que le tien! »
Alice ignore ce commentaire boursouflé.
_ « T’as vu mes citrouilles? Regarde comme la petite est mignonne! » poursuit-elle
_ « Les miennes étaient bien plus grosses et j’en ai ramené trois! Puis moi, je les ai portées tout seul! » clame-t-il, l’oeil dédaigneux.
Alice ne semble ni attristée, ni choquée ni même étonnée…
Je l'observe. Elle semble ni attristée, ni choquée, ni même étonnée des commentaires de son copain. Un brin perplexe peut-être. Ou habituée, déjà… Et plus elle ignore, souveraine, la pseudo-supériorité du champion cueilleur, plus il gonfle la taille de ses citrouilles (oups! j’allais dire de ses couilles). Alice m’exhorte à continuer notre route, non sans essayer de me reprendre les cucurbitacées et de tout transporter elle-même…
Petite tranche de vie quotidienne d’enfants qui m'avait laissée pensive. Mathias aurait-il étalé une telle suprématie si Alice eut été un Alex? Pourquoi la performance de son amie l'a-t-il fait se sentir dépossédé de son pouvoir? Que penser de l’indifférence apparente de cette petite bonne femme qui, du haut de son expérience féminine, faisait fi de la virile vantardise de Mathias?
On a dit que les hommes avaient été victimes du féminisme
Comme si, parce que les unes s’étaient mises à relever la tête, les autres avaient dû plier l’échine. On dit maintenant qu’au Québec les valeurs masculines sont tragiquement absentes du milieu scolaire. Que les petits gars lambinent dans un désert de valeurs. Qu’ils n’accèdent plus à la puissance et à la gloire autrement que par l’entremise du petit écran magique.
Certes, ça n'est plus ce que c'était. On est loin de Madame Blancheville et de son sauveteur, super-héros des cuisines étincelantes non? Loin aussi de la reine du foyer qui réchauffait la soupe à un « papa a raison » grognon et glouton hein?
Pas si loin que cela. L’air du temps distille des visages multiples et flous d’un sexisme qui a troqué ses bottines cloutées contre un escarpin de velours. Tantôt, il est si subtil qu'on finit par croire qu’il est dépassé.
Quoique … À voir le Journal de Montréal de cette semaine, étalant en "une" le calendrier du commandant Piché, c'est à se demander si ça n'est pas plutôt nous qui pourrions, encore une fois, être dépassés par lui.