Lettre à Ulysse
Ubaldine-sur-le -Lac, vendredi, 21h30
Cette semaine passée dans notre Bucolie est absolument salutaire… et jouissive.
Je redécouvre ce que sont les heures d'une journée saine. Me lever tôt et ravigotée, manger lentement dans le silence, prendre l'air, travailler avec le corps, puis avec la tête en réfléchissant, faire un repas créatif et succulent avec trois fois rien, dormir comme un bébé, écrire, avoir mal nulle part, lire, méditer…
Voir le soleil se lever sur la colline, au dessus des épinettes et des grands bouleaux filiformes et, quelques heures plus tard, le regarder tomber dans le lac violacé. Découvrir les mini fruits, recroquevillés et glacés sur les branches du pommetier, la pousse d'un nouvel arbre qui sourd dans la grosse souche. Surprendre le huard qui a l'air de se demander s'il doit partir ou rester…
La pelouse n’est plus verte. Mais pas encore blanche. Elle est toute bleue, squattée par des centaines de gros geais.
Aller prendre les courriels et jeter un coup d’œil sur Twitter, quelques minutes par jour, comme pour me convaincre qu'il puisse y avoir autre chose au monde que cette douce quiétude rythmée par la nature et la vie de novembre…
Sevrage gai et spontané, de vin fou, de monde, d’Internet, de télé, de viande, de réglisse noire… Impression que les jours sont pleins, riches, tout occupés par moi et moi toute pleine de ce temps et de cet air qui me sont accordés. Sans abrutissement.
Ce soir, rien à manger. Jeté dans la poêle: ail, huile, câpres, olives noires puis du thon en conserve. Servi cela avec purée de pois chiche sur lit de cresson et mâche. Frugal, chaud, protéiné, maigre… Cinq jours que je suis là, sans être allée à l’épicerie du village, dans mes fringues molles et douces, ces guenilles que tu aimes tant me voir porter.
Voilà. Suis venue au café internet Mazda-Tremblay juste pour t'envoyer ce courriel. Pour que tu l'aies à ton réveil dans ton hôtel parigot.
Je vais de ce pas me blottir dans notre petit lit d'hiver avec ApocalypseBébé que je savoure. Véronique a raison. C'est elle, Despentes, qui aurait dû avoir le Goncourt à la place de Houellebecq .
Jo ki t’m
Note au lecteur : le café Mazda-Tremblay est ma voiture, stationnée dans l’allée de Monsieur Tremblay, de l’autre côté du lac. J’y pirate sa borne WiFi, avec sa sympathique complicité. Trop froid pour jouer à la pirate depuis le bout de mon quai …