Ce billet suit une discussion qui a pris place sur Twitter relativement aux insuccès et difficultés de Pauline Marois invitée à l'émission Tout le monde en parle.
Le sexisme bienveillant est d’une redoutable efficacité. Le traitement réservé à Pauline Marois me semble en être la preuve flagrante. Et je ne reviendrai pas ici sur tout ce qui a été écrit à l'effet que le Québec n'était pas prêt pour une femme première ministre.
Toutes les misères qui lui ont été faites donnent raison à Benoit Dardenne et Marie Sarlet qui affirment que : "les groupes dominants maintiennent plus efficacement les inégalités sociales à travers l’influence persuasive de la bienveillance qu’à travers l’hostilité".
Le sexisme est ambivalent
Il se présente sous deux formes bien différenciées : le sexisme hostile et le sexisme bienveillant.
Le sexisme hostile, conventionnel et traditionnel, a le mérite d'être clair. Il véhicule explicitement des attitudes négatives et aliénantes à l’égard des femmes. Cette sympathique photo nous montre une de ces manifestations, sans équivoque. Dans nos sociétés occidentales actuelles, le sexisme hostile est plus rare.
Le sexisme bienveillant
De nos jours, chez nous, le sexisme est presque toujours bienveillant et vicieux. Sur un ton positif, voire affectueux et admiratif et sous des airs d'ouverture séduisante, il confine les femmes au terrain de jeu qui leur a été traditionnellement dévolu. Elles peuvent flirter un peu avec le monde du pouvoir mais pas trop près des sommets quand même…
Bien plus discret et plus insidieux que le sexisme hostile du macho ou du misogyne à visage découvert, le sexisme bienveillant revêt un masque, tantôt paternaliste, tantôt galant. Son impact sur les performances des femmes qui doivent se battre contre ce polteirgest n'est pas moins toxique. C'est ce qu'ont montré les travaux des professeurs Dardenne et Sarlet, cités plus haut.
Tentons d'y voir clair
Dans la vie, nous bâtissons notre vision de l'autre et nous nous construisons un jugement social à partir d’indices qui renvoient à des variables tels: couleur de la peau, pays d'origine, statut économique, religion, traits du visage, âge, taille, sexe, accent, orientation sexuelle, type de voiture, vêtements …
Le jugement social offre un visage à trois faces.
a) Les stéréotypes de rôle. L’exemple classique dans ce cas-ci serait : les femmes ne possèdent pas les qualités nécessaires pour occuper des postes de haut niveau.
b) Les préjugés. Ceux-ci contiennent une dimension affective. Ils correspondent à un sentiment, généralement négatif, envers une ou plusieurs personnes en raison de leur appartenance à un groupe particulier. Exemple : ne pas aimer les Parisiens ou les avocats ou les femmes de tête…
c) La discrimination. Composante comportementale : traitement inégal ou ségrégationniste.
Certaines personnes affirment penser du bien d'un groupe, sans pouvoir s'empêcher de traiter les personnes de ce groupe différemment, avec des égards moindres. D’autres nourrissent des préjugés négatifs à l'égard d'un groupe tout en prônant des valeurs d'égalité humaine…
Retour au sexisme bienveillant
Dans celui-ci, l’infériorisation de l'autre est enveloppée dans du papier cadeau. Outil d'oppression redoutable enrubanné de bons sentiments, le sexisme bienveillant maintient, mine de rien, la femme dans l'idée que la petite madame est une merveilleuse petite chose. Pire encore, parfois, le sexiste bienveillant se croit non sexiste.
Glissant, gluant et louvoyant comme une anguille, il est difficile à détecter et on peine à faire un arrêt sur image. Il ne se laisse pas photographier.
Pas facile de lutter contre une misogynie travestie, parfumée à l’eau de rose et parée d'atours verbaux frelatés sur le respect et l’égalité des sexes.
Attention: 1) Le sexisme n'est pas réservé aux hommes. Des femmes l'alimentent aussi. Hélas. 2) Certains associent tous les gestes de galanterie à du sexisme bienveillant. Cela n'est pas mon cas.