Le cyber espace nous force à redéfinir la notion d’intimité.
On me demande parfois pourquoi je m’intéresse au Web. Simple, j’ai toujours exercé mon métier en analysant l'impact des faits de société sur l'individu, le couple, l'intimité… Or, existe-t-il fait de société plus important que l’arrivée d’internet dans nos univers privés? Qui influence autant l’intimité des gens ? Qui change radicalement notre rapport aux autres ? Je ne le crois pas.
Le web est une nouvelle réalité. Révolutionnaire et là pour rester. Quinze ans, vingt ans, c’est un clignement de cil dans l’histoire de l’humanité. Avec la fenêtre sur le monde qu’il a ouverte dans notre maison, avec ses médias sociaux où nous évoluons désormais et qui font partie prenante de nos vies, nous sommes irrémédiablement forcés de redéfinir notre rapport à l’intimité. Et nous sommes loin de pouvoir mesurer, maintenant, l’impact fulgurant de l’arrivée d’Internet dans toutes les sphères de l’humanité mais en particulier dans la sphère privée.
Dans l'intersidéral, y'a de l'amour, des fantômes et… des trous noirs
Notre vie de couple, notre vie affective, notre vie de famille ne seront plus jamais les mêmes. Il faut reconnaître cela, en prendre conscience, y réfléchir. S’agit-il là de « vie parallèle » ? De « vie virtuelle » par opposition à notre « vie réelle » ? Je ne crois pas. Tout cela est la vie. Tout cela est réel. Ça me fait toujours sourire lorsque j’entends l’expression « monde virtuel ». Ce « monde virtuel » est aussi réel que notre monde tridimensionnel puisqu’on y qu’on y éprouve des émotions réelles.
Par exemple… La femme qui découvre que l’homme qu’elle aime écrit à une femme-avatar, « vous me faites rêver et je vis pour ces instants où je vous retrouve sur la toile… " est autant blessée et autant trahie que si son amant avait failli à leur pacte de fidélité érotique. Peut-être même plus, dans certains cas.
Certains comparent l’arrivée d’Internet avec celle de la télévision ou de la radio il y a 50, 75 ans. Il n’y a aucune commune mesure ! Ces formidables médias faisaient de nous des auditeurs ou des téléspectateurs réceptifs, voire des « réceptacles ». Avec Internet, et en particulier avec les médias sociaux, nous sommes promus au statut de récepteur-émetteur. Nous devenons des acteurs, faisant partie intégrante du média.
Un autre exemple… Je peux très bien être dans un état émotionnel de colère, engendré par une dispute avec mon conjoint et simultanément, éprouver une émotion très douce et joyeuse découlant d’un savoureux échange via Twitter. Banal? Pas du tout. La présence du Web dans nos vies nous place, souvent, dans une dualité émotive sans précédent. Bien sûr, la coexistence d’émotions antinomiques n’était pas impossible avant, mais elle était néanmoins rare alors qu’elle est fréquente, voire quotidienne, aujourd’hui.
J’ai toujours incité et invité les couples à bien définir leur alliance amoureuse et érotique pour éviter, autant que faire se peut, mauvaises surprises et désillusions. Quelle est notre entente de fidélité ? Jusqu’où va notre tolérance ? La fidélité est-elle synonyme d’exclusivité sexuelle ou de privilège ? D’exclusivité amoureuse ? Quel espace affectif entendons-nous nous réserver spécifiquement l’un à l’autre? Quelle sera notre ligne de conduite advenant un écart de langage corporel ? Embrasser, est-ce tromper ? etc etc
Et bien, ces questions doivent désormais être élargies et inclure le cyber espace. Flirter sur le web, est-ce tromper ? Y vivre une complicité érotique non consommée corporellement est-il acceptable ? Y éprouver des émotions émoustillantes … ? Y ressentir un béguin ? Et le temps que j’accorde à mes relations facebookoises ou twittesques , est-ce du temps volé à ma relation affective tridimensionnelle ? Cela vient-il enrichir ou appauvrir ma vie relationnelle tridimensionnelle ?
L’internet peut être un allié. Ou un rival.
Un allié parce qu’il ouvre les horizons et permet aux amoureux de s’ancrer aussi dans Agapè (ouverture sur le monde et sur les autres) sans qui le couple se sclérose et est sans avenir.
Un rival parce que rien n’est plus enlevant que le monde du fantasme et du rêve. Et jusqu’à ce jour, l’intersidéral nous projette dans ce rêve, hélas bien souvent absent de nos vies "incarnées".
P.s. Ce billet m’a été inspiré par une entrevue que j'ai accordée avant-hier à Philippe Fehmiu à l’émission Le lab. Rediffusions, Canal Vox : samedi 10 déc 8h30; dim14h30 et 17h ; lundi 21h ; mardi 8h30, 13h30, 16h30