17h00 dimanche le 5 février.
Je commence à écrire ces lignes. Je viens d'aller faire un saut de puce sur Twitter. Isabelle Gaston n’est pas encore passée àTout le monde en parle que déjà, certains pérorent sur les médias sociaux qu’elle est « hargneuse » ou qu’elle « médiatise sa souffrance ». Ce qu'ils insinuent, à mots à peine couverts: Ouache! Que cela est donc laid et inacceptable!
Cela me met hors de moi. Me donne une montée de testostérone. A-t-elle commis un crime ? A-t-elle fait une tentative de meurtre ? A-t-elle assailli quelqu’un ? Sous quels chefs d’accusation l’attaque-t-on ? De quel droit suppose-t-on qu'elle est une femme dure, contrôlante… ou que c’est ce « qu’elle dégage » et que c’est ce « qu’on a entendu dire » .
Pincez-moi quelqu'un ! Que voudrait-on d’elle ? Qu’elle pleure en silence (ou même en public) comme l’a si bien fait le père-assassin de ses enfants ? Qu’elle clame son pardon comme une mère Térésa , comme une ex-mère sacrificielle ? Qu'elle se taise à jamais? Que la détresse la jette dans les bras d'Orphée?
Quelle sorte de femme est donc celle qui ne sait pas absoudre Guy Turcotte, l'éventreur de ses innocents petits anges, semblent supposer certains sans gêne. Un peu plus et on l'accuserait d’avoir été mauvaise épouse, mauvaise mère et de s'être attiré l’insupportable épreuve qui lui a été infligée.
Je ne sais pas comment je réagirais dans une situation comme la sienne, situation que je n’ose même pas imaginer tellement elle est odieuse, tellement il est au delà de mes forces de l’évoquer.
Partagerais-je ma douleur sur la place publique dans l’espoir (certes vain) de m’en délester un tout petit peu? Dans l’espoir que le supplice, réparti dans plusieurs cœurs, soit moins ravageur dans le mien ? Dans une sorte de besoin viscéral et maladroit d’être supportée ?
Choisirais-je la parole publique pour tenter d’exorciser les démons de ma propre contre-violence ? Pour éviter que celle-ci ne se tourne sur d’autres ou contre moi-même ? N’est-il pas nécessaire de se fabriquer armure et bouclier de dureté pour seulement pouvoir continuer sa route dans une situation semblable ? Chaque personne n'a-t-elle pas sa façon à elle de survivre à l'horreur et à l'atrocité?
Tout ce qu’on fait ou ne fait pas, dit ou ne dit pas, n’est-il pas une stricte manière d’essayer de survivre ? De ne pas exploser? De ne pas imploser ?J’ignore totalement comment je réagirais tant l’horreur me dépasse et me consume.
Je ne sais rien. En fait, non, je ne sais qu’une chose et elle se décline à la forme interrogative : de quel droit certains osent-ils juger cette femme dévastée?
22h45 dimanche le 5 février
Bouleversante présence d'Isabelle Gaston à Tout le monde en parle. Des centaines de milliers de Québécois et Québécoises ont pleuré avec elle, ont eu mal avec elle. C'était, je crois, un moment de solidarité humaine important, et nécessaire, dont vous pouvez voir l'entrevue ici . Immense vague de compassion à son égard au cours d'une entrevue menée avec finesse et sensibilité par Guy A Lepage.
Évidemment, il fallait s'y attendre, il s'en trouve plus d'un pour infantiliser Isabelle Gaston, dire qu'elle se fait exploiter au profit de l'audimat. Elle est souffrante, elle n'est ni puérile, ni débile! Ça suffit le paternalisme ! Sans compter les quelques minables qui y sont encore allés de commentaires nauséabonds: Reproche radoteux d'étaler sa peine sous les feux de la rampe et quelques autres, plus sordides encore, l'accusant d'avoir été une conjointe "infidèle" …
Il y a des êtres humains, décidément, c'est à se demander s'ils en sont, des êtres humains. À moins qu'il ne soient que bêtes. Pas très nombreux certes mais encore, hélas, trop nombreux.
10h30 lundi le 6 février: MAJ
Si Turcotte était libéré, c'est comme si son crime sordide n'avait pas eu lieu. SVP, signer ces pétition: Non à la libération de Guy turcotte + Bonification de la loi sur indemnisation des victimes d'acte criminel