jocelyne robert

Le scandale des mauvais traitements réservés aux vieux, dans les CHSLD ou autres parkings de pépés et mémés, nous met hors de nous et nous indigne.  Et pourtant…

Et pourtant, en dehors de ces situations intolérables et grossières qui viennent entacher  notre regard et déranger notre tranquillité, la vieillesse nous insupporte. Plus elle est cachée et invisible, mieux on se porte. 

Avez-vous vu cette pub de la Banque TD qui nous montre, sans coup férir, ces deux vieux grognons  qui radotent sur le bon vieux temps, vissés sur leur banc ?  On les traite comme des attardés oisifs malgré leur évidente santé physique et mentale dont ils ne savent que faire. Il paraît qu’elle plaît en plus cette pub!

Et celle de Artic garden légumes congelés qui fait apparaître dans les murs et les tables, des bouts de corps fantomatiques d’aïeules qui viennent empoisonner la vie de leur héritiers et héritières en tricotant…. ?

Comme si la vie ne valait la peine d'être vécue qu'en bandant comme  à 20 ans

Et ces indicibles messages publicitaires pour le viagra et autres « remontants » qui nous enfoncent dans la tête l’idée que la vie ne vaut la peine d’être vécue qu’en bandant comme à 20 ans ? Quitte à ce que cette bandaison soit pur subterfuge sinon pur supplice…

Que dire de ces vieilles stars aux Oscars, visage de poupée de cire et corps « bimbofiés » peinant à se tenir sur leurs jambes arthrosiques campées sur talons aiguilles ?  Que voulez-vous, la chirurgie des nouvelles jambes n’est pas encore tout à fait à point.  Mais oui, elles s’infligent tous ces outrages parce qu’elles n’ont pas le choix, « l’industrie » oblige.

Il y a deux ans, j’ai publié un livre sur les femmes vieillissantes, cinquantaine et plus, mettons. Pas question qu’il y ait dans le titre de ce livre les mots vieilles, vieillir ou vieillissement,  m’a-t-on dit.  Mots tabous entre tous. « Un titre qui comprend un dérivé de vieillir est repoussant. Invendable. Tu veux passer tes idées oui ou non ? »

Les vieux et vieilles, « normaux » et en santé, ne sont pas regardables alors, imaginons les vieux  malades, fragilisés, incontinents, dépendants, édentés. Comment voulez-vous qu’on ne les oublie pas dans leurs couches souillées ?

C'est de l'auto-détestation

Les vieux se détestent et nous détestons les vieux. C’est de l’auto-détestation. Nous ne supportons pas  la vieillesse. Parce que nous ne supportons pas  notre propre mortalité, notre propre finitude, notre déchéance imminente.  En nous aveuglant devant la vieillesse on nourrit l’illusion de notre propre éternelle jeunesse.

Ça n’est certes pas un hasard si la VIEillesse est la seule période de l’existence qui comprend la particule vie ! Il faut rappeler sans cesse que les êtres humains que regroupe cette période de l’existence sont toujours vivants.  L’enfance, l’adolescence, la maturité, l’âge adulte n’ont pas besoin d’appellation qui confirme leur vitalité.

J’avance sur le chemin de l’aînesse. On commence à me concocter des petits plats de compliments assaisonnés de l’adverbe  encore : « Oh que vous faites jeune encore !  Ah Que vous êtes encore belle !  Hé ! que vous êtes encore bien conservée » Ben oui s’tie, je suis « encore » vivante.

Le "Oh ! Qu’elle a encore toute sa tête ! " ne devrait plus tarder. À condition que je la conserve. Cette tête. 

J’avance sur le chemin de l’aînesse. J’ai peur. Qui veut m’échanger mon droit d’aînesse contre un plat de lentilles ?

Cet article a été publié dans le journal La Presse sous le titre Une vieillesse insupportable 
 

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12 commentaires

  • Commentaire de Renée — 2 mai 2012 à 17 h 19 min

    L’heure de plainte s’est pointée, 17h.
    Je suis revenue en marchant de chez la vieille mère, la mienne.
    Alzheimer.
    Bien sûr qu’elle me reconnaît…encore.
    J’ai pris un raccourci, longeant le ruisseau, le soleil s’est montré.
    Un scénario m’est venu à l’esprit.
    J’imaginai ces vrais vieux descendant sur le trottoir, contestant contre les soins qu’on leur donnait. Un carré jaune sur la poitrine.
    « Jaune » de Ferland

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 3 avril 2012 à 18 h 15 min

    @Renée Quel commentaire rassérénant! Merci.

  • Commentaire de Renée — 3 avril 2012 à 17 h 39 min

    Bienveillance des vieux.
    Je reviens de visiter ma mère à sa Résidence. Je me sens toujours partagée entre l’obligation d’aller visiter ma vieille mère , plus vieille que moi ( j’insiste) et le fait de ne pas voir assez souvent ma petite fille unique. J’ai été attentive aux gens qui étaient là…à l’Unité du 2e des semi-autonomes; aux résidents et surtout aux proposés. Ce n’est pas la première fois que je remarque combien « présents » et aimant sont ces gens dit « préposés » et tellement plus. Comme une nourriture gestuelle et de regards. Quelle formation ont eu ces gens pour être ainsi avec nos vieux? Je ne pense pas qu’il ne s’agisse que d’une impression.

  • Commentaire de Rolland Lambert — 11 mars 2012 à 19 h 41 min

    Je vous écoutais à Mongrain et ensuite je me suis dirigé vers mon ordinateur pour aller voir si vous aviez un site web afin de pouvoir vous envoyer un courriel. J’avais le journal ouvert à la page « débats » de la Presse. (…) J’ai signé un contrat avec maison d’édition Amalthée de Nantes pour l’édition d’un premier roman. Un roman qui a été refusé par les maisons d’édition d’ici. Il ne correspondait pas à leur critère. Le titre est « La nymphe des îles » Les aventures se passent dans les îles et les nymphes étant des déesses de l’amour, il y a naturellement du sexe là-dedans. (…)
    Ce n’est pas ce qui pourrait convaincre mes filles du succès de ce livre.
    Ce n’est qu’à l’approche de la retraite que j’ai commencé à écrire. J’avais bien créé quelques chansons (…) il y avait eu le divorce après une vingtaine d’années de mariage, auquel s’ajoutait la vente d’un commerce qui ne pouvait plus assuré assez de revenus pour la famille, ce qui devint un signe de faillite personnelle. C’est ce qui avait contribué à ce qu’il y ait une certaine distance créée avec mes filles, devenant, par ailleurs plus proche de mes petits enfants. Le titre de mon site web dit pourquoi. http://www.lesdeessesetleperenoel.com

    Je suis venu m’installer dans un bloc de logements pour personnes âgées à loyer modique. Cela selon le désir d’une de mes filles qui voulait que je rapproche d’elle. Mais peu de changements dans nos relations. Et je suis le père d’une médaillée olympique. J’ai su en lui envoyant un courriel en fin de semaine qu’elle était en Chine. Ne sait quand elle reviendra. Vous verrez qu’il y a aussi sur le site des récits, contes et chansons de Noël et autres. Dans le bloc où j’habite, où ce sont pour la plupart des femmes, c’est chacun sa petite affaire. Il y a une salle commune, mais elle demeure toujours vide. Peut-être qu’avec l’approche du printemps, ça bougera un peu plus. Ce à quoi je ne m’attendais pas, un nouveau développement domiciliaire important vient d’être mis en marche sur un terrain situé juste à l’arrière de notre bâtiment. Poussière et bruits garantis durant tout l’été. J’ai déjà connu ça dans le passé lors du développement du site Angus dans la métropole. Je décris cela dans la section « Les déesses s’amusent » de mon site web en plus du développement de ces; quartiers entourant le stade olympique, devenu un sujet de conversation par les temps qui courent. De quoi alimenter certaines certains de vos écrits futurs.
    Je viens d’avoir 87 ans. J’ai bien aimé vos commentaires que j’ai trouvé très pertinents. Rolland Lambert

  • Commentaire de Diane Duval — 8 mars 2012 à 19 h 46 min

    ce blogue me rappelle un film:  » Harold et Maude », dont je me suis délectée. J’étais dans la vingtaine.
    Pour moi la vieillesse de Maude était le meilleur exemple qui m’était donné de me voir à 80 ans: Vivre sans interdit! Car même à cette époque la femme se devait d’avoir un corps parfait et une figure d’ange! Comme je n’avais pas cette figure d’ange; cette dame me donnait une leçon de vie, la rencontre avec un vieux jeune et une jeune vieille je parle de coeur évidemment!
    Alors qu’Harold près de 20 ans ne pense qu’au suicide, Maude elle adore la vie, conduit sans permis, vole des autos, est heureuse et « pas belle » mais (aime) ce jeune et veut l’aider en lui donnant le goût de vivre. Il tombe donc amoureux d’elle, de sa vitalité de son originalité et sa curiosité, elle VIT et lui presque MORT va ressusciter en sa présence!

    Aujourd’hui alors que je suis au début de la soixantaine, ce rêve s’est perdu un peu quelque part! Je vois mes plis, mes rides, ma vue qui baisse et pourtant….Je ne veux pas non plus être une femme toute refaite et qui craque du visage, des fesses des seins et j’en passe!je veux qu’à 80 ans je puisse vivre sans interdit. Je veux garder ma spontanéité sans passer pour une vieille folle! J’ai le droit de penser que je ferai partie de la majorité des aînés qui sont en santé et je veux vivre des rêves insensés en rencontrant un ptit vieux pas trop vieux avec qui les partager! Par contre je surveille toujours la crème mirâcle et la fontaine de jouvence, mais comment? Et où sont-elle? J’accepte donc que ma vue baisse pour voir un peu moins ces rides qui arrivent toutes en même temps.
    Mais je veux qu’à cet âge on me respecte, qu’on m’aime avec mes plus et mes moins comme tous les habitants de cette terre y ont droit également.

    La morale de cette histoire est que plutôt que de commmencer à me cacher, je décroche des miroirs!!!!!

  • Commentaire de Martine Dupont — 8 mars 2012 à 19 h 13 min

    Bonjour madame Robert,

    J’adore!!! votre écrit. J’ai 51 ans. J’ai le goût d’assumer mon âge à toutes les étapes de ma vie. Je suis consciente que ce ne sera pas facile. Merci d’ouvrir le chemin. Si vous avez le goût de réunir des femmes de 50 ans et plus pour discuter ou pour de nouveaux projets, ça m’intéresse.

    Bonne journée

    Martine Dupont

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 8 mars 2012 à 12 h 07 min

    Merci Isidore pour votre commentaire fort intéressant. Qui a dû, me dit-on, être écourté un peu . En espérant que cela ne vous déçoit pas trop …

  • Commentaire de Isidore Wasungu — 8 mars 2012 à 11 h 42 min

    Madame Robert, vous vous surpassez à chacune de vos parutions. Quel dur texte!Quelle dure vérité! Mais n’est-ce pas un cas de société et d’époque? Et même de contrée? Sans vouloir généraliser et en restant très humble et conscient que même celle-là qui avait su intégrer parfaitement la dimension de la vieillesse dans son mode vie tend de plus en plus à se pervertir, l’Afrique par sa vie essentiellement communautaire n’a pas cet aigu problème de maltraitance des vieux.(…) Vous et moi avons peur parce que notre société occidentale n’est pas des plus prévenantes et nous avons beau nous reconnaître une certaine utilité actuellement, nous ne sommes pas convaincus qu’il en sera toujours pareil, alors nous avons peur…

    Il y eut un temps ou les hommes et les femmes africaines aimaient se vieillir quand on leur demandait leur âge, car le « vieillard doit sa longévité au fait qu’il a vécu conformément à la loi des ancêtres ». Plus on avance en âge, plus on gagne en dignité et en sagesse. On devient le symbole du porteur de paix, de justice. Dans sa sagesse qui se rapproche de plus en plus de celle de la divinité grâce à sa maturité morale et spirituelle, quand une vieille ou un vieux ouvre la bouche, on se tait et on écoute. Vie qualifiable de communautaire puisque peu d’individualisme: tout est intégré! Tout comme ici cependant, relations des plus privilégiées entre grands-parents et petits-enfants! L’apothéose de la vie d’une vieille ou d’un vieillard africain, ce sont ses funérailles: « Les chants qui sur un mode dithyrambique exaltent sa mémoire et louent ses proches, les rythmes endiablés des tambours, les bruits des sonnailles — cette exubérance auditive symbolise encore la naissance proche du défunt comme ancêtre — , les danses, les libations, les distributions de nourriture, tout cela exprime collectivement la grandeur du vieux qui a réussi sa mort comme il a réussi sa vie » [Louis Vincent Thomas]. (…) vieux pour faire profiter le monde de ta sagesse!

    Comme le dit si bien Marie Hennezelle, « le jour ou l’on pourra regarder des images de vieilles personnes avec émotions, s’identifier à elles sans réticences, se dire que l’on aimerait être comme elles lorsqu’on sera vieux, ce jour là notre société aura fait un pas de géants ».

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 8 mars 2012 à 9 h 00 min

    C’était de l’HUMOUR . De toute évidence ratée puisque mal compris!

  • Commentaire de Mario Bellavance — 8 mars 2012 à 8 h 56 min

    Permettez-moi de répondre brièvement à votre commentaire par ce gazouillis relevé sur votre page :  » Tabasser des vieux, ça c’est extraordinaire …Tabasser des jeunes, c’est, mettons, ordinaire… » La haine, le mépris, la violence contre toute personne quelque soit son âge est inacceptable. Ma sensibilité va aujourd’hui pour ce jeune qui est menacé de perdre un oeil. Je crois que le gouvernement Charest fait payer bien cher son droit à l’éducation. Il est temps que ce gouvernement démissionne. Il dépasse les limites de la démocratie en s’accrochant au pouvoir. Vite un débat : scandales, corruption, situation des ainés, entêtement contre les étudiants… Vite, une élection! En cette Journée de la Femme que tous et toutes s’unissent pour affirmer les droits des personnes de tout âge. Quelqu’un a peur? Jean Charest? Qu’il démissionne! Le mandat qui lui a été confié a assez duré. Vive la Journée de la Femme! Pas une journée de plus au gouvernement Charest!

  • Commentaire de mildred. — 7 mars 2012 à 18 h 17 min

    Avec un… »s’tie ben oui chus t’encore vivante… » on peut pas dire que vous mâchez vos mots très chère. J’en suis venu à la conclusion que les plus jeunes,j’y inclus mes fils bien-aimés, disons les 25-45, ont peur de perdre de leurs précieux temps en s’occupant de leurs vieux,ceux qui sont plissé, comme s’ils craignaient que la terre tourne plus vite qu’eux,ils font fi du « savoir » pour faire tourner la roue du « pouvoir »,serais-ce un phénomène de société ou générationnel je ne sais pas.Il y a quelques temps mes frères mes soeurs et moi avons maintenue notre vieux père aussi longtemps que nous avons pu dans sa maison avant qu’il ne soit complètement décati, il est mort sans contrainte,ce que je n’aurai jamais je le sais malgré tout l’amour que ma progéniture me porte,dans quelques temps je ne serai rien d’autre qu’une vieille chose passer date,for the time being.

  • Commentaire de Renée — 7 mars 2012 à 14 h 26 min

    Elles n’ont plus de profil amoureux ces vieilles ,dont ma mère, de l’Unité du 2e que je viste à la Résidence.
    « Une vieillesse insupportable », l’article de JR écrit dans La Presse de ce matin.Bien sûr que ça nous fait réfléchir.
    Ayant les sens affaiblis, on a l’impression qu’il ne leur reste que le toucher pour communiquer.
    Je me suis rappelée d’un texte de Baudelaire. « Le désespoir de la vieille »

    II. LE DÉSESPOIR DE LA VIEILLE
    La petite vieille ratatinée se sentit toute réjouie en voyant ce joli enfant à qui
    chacun
    faisait fête, à qui tout le monde voulait plaire ; ce joli être, si fragile comme elle, la
    petite
    vieille, et, comme elle aussi, sans dents et sans cheveux.
    Et elle s’approcha de lui, voulant lui faire des risettes et des mines agréables.
    Mais l’enfant épouvanté se débattait sous les caresses de la bonne femme
    décrépite,
    et remplissait la maison de ses glapissements.
    Alors la bonne vieille se retira dans sa solitude éternelle, et elle pleurait dans un
    coin, se disant: – « Ah ! pour nous, malheureuses vieilles femelles, l’âge est
    passé de
    plaire, même aux innocents ; et nous faisons horreur aux petits enfants que nous
    voulons
    aimer ! »

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