jocelyne robert

Le couple a-t-il le vent dans les voiles ou du plomb dans l’aile ? Est-il en pleine renaissance ou aux soins palliatifs ? En tout cas, il fait parler. Et peut-être fait-il couler plus d’encre que de fluides corporels.

L’amour pousse à se mettre en couple parce que celui-ci est, plus que l’individu ou la famille, son véhicule privilégié. Aussitôt que le couple existe, il féconde une troisième entité que j’appelle la personne psychologique du couple. Le couple heureux est celui qui réussit ce mariage à trois : toi, moi, nous. 

Dans nos sociétés occidentales, le couple carbure à l’amour et, si le carburant vient à s’épuiser, la locomotive s’arrête. Il est faux de prétendre que le couple a toujours eu la faveur des pouvoirs en place (comme l’Église, pour n’en nommer qu’un). Selon le modèle qui prévalait à l’époque de ma mère, il se diluait au profit de la famille. Selon le nouveau modèle, qui s’est installé quand j’avais la trentaine et qui prédomine encore, il est bouffé par l’individu qui, depuis son nombril, commande les tendances sociales.

Et puis, mine de rien, en nous proposant constamment des corps et du sexe à consommer, le monde qui nous entoure met tout en place pour saboter sa durée. Si nos sociétés favorisaient vraiment le couple, elles se fonderaient bien davantage sur des valeurs de générosité, de développement affectif durable, plutôt que sur le narcissisme et l’indépendance affective. Une fois admise l’idée que la durée et le partage de l’intimité font obstacle au couple parce qu’ils détonnent du diktat consommer-jeter-recommencer, que faire ? Si on refuse de n’être qu’un « ménage » ou une plate réalité statistique, je crois qu’il faut cultiver la distance.

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la belle étrangère et le mystérieux inconnu sont si attirants ? Même s’ils sont parfois, en toute objectivité, bien moins séduisants que le conjoint ? C’est tout simple : ils  ont de la distance. Scotchée à l’autre, on finit par ne plus sentir les contours de son propre corps, par ne plus distinguer la totalité de l’autre. Distance et privation nourrissent le fantasme et le désir.

On ne s’en sort pas : le lien amoureux et érotique se renouvelle à la condition que durent la fascination et l’admiration. Dans la rencontre d’un soir, l’admiration n’est pas nécessaire, la pulsion brute suffit. Elle est indispensable dans une relation au long cours que l'on veut tonique! Seule la paire d’êtres humains réunis autour d’Eros (intimité érotique et amoureuse), de Philia (amitié et admiration) et d’Agapè (ouverture sur le monde et sur les autres peut traverser le temps joyeusement. 

Enfin, la sempiternelle question : le couple est-il une pâte à modeler qu’on peut pétrir et mettre à sa main ? Oui et non. Oui sur le plan domestique, les aménagements, le quotidien… Non sur le fondamental. On peut « travailler » sa propre capacité d’aimer, pas celle de l’autre.

L’amour et le couple, c’est comme la crème et les fraises (ou le porto et le chocolat) : séparément, c’est bon mais, ensemble, c’est vachement meilleur !

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Publié dans : Couple, Culture et Société, Érotisme, Mythes, Sentiments et Émotions
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11 commentaires

  • Commentaire de Claire — 10 avril 2012 à 11 h 45 min

    Je suis d’accord en partie avec vos propos sur le couple. Cela fait quelques années que je désire fonder une relation amoureuse saine et durable. Il existe sûrement à quelque part et je garde espoir de le rencontrer.

    En attendant, je cultive mon jardin intérieur afin d’être prête à l’accueillir quand il pointera le bout de son nez.

    Votre opinion sur l’amour et le couple me rejoignent. C’est pourtant si simple et aussi si compliqué. Nous vivons dans un univers de fast food et l’amour n’y fait pas exception. Certaines personnes banalisent ce sentiment pourtant si fort et nourissant. En général, le jeter après usage est trop souvent de mise.

    Je ne peux aimer sans admirer l’autre. Le respect fait aussi partie , à mon avis, d’une condition essentielle à la profondeur d’une relation. La générosité et la compassion aussi.

    Mon coeur reste ouvert à l’amour et j’ai confiance en la vie.

    Au plaisr de vous lire sous peu.

  • Commentaire de Renée — 8 avril 2012 à 10 h 13 min

    Merci Jocelyne pour la correction du mot. Un si beau mot se doit d’être bien conjugué. La vie « conjugale » …!!

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 8 avril 2012 à 7 h 20 min

    Joli… ON dirait une fable japonaise. Mais  » rassérénère » c’est trop !:-), elle les rassérène et cela suffit amplement.

  • Commentaire de Renée — 7 avril 2012 à 17 h 09 min

    Un amour fort ne suffit pas.
    L’homme fort aime la femme forte. Deux forts ensemble, traversant les épreuves et le boulevard de la séparation. Épuisés d’une telle force , ils veulent se reposer.
    L’île du repos déserte les « rassérénère » . Ils se retrouvent et ont repris la force, celle restée au fond du sac à dos.

  • Commentaire de Dydier Defaye — 6 avril 2012 à 22 h 23 min

    L’amour si fort soit-il ne suffit pas toujours pour maintenir un couple ensemble 🙁

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 6 avril 2012 à 12 h 16 min

    Et merci Solange pour votre fidélité. Très apprécié d’avoir un peu de « feedback » !!!

  • Commentaire de Solange Chiasson — 6 avril 2012 à 10 h 54 min

    Que dire de plus?

    Vous avez très bien cernée la réalité actuelle du couple contemporain!

    J’avoue que vous rejoignez aussi ma façon de penser…

    Merci pour toutes vos chroniques si enrichissantes!

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 6 avril 2012 à 12 h 14 min

    Merci Mario! Toujours un plaisir de te retrouver ici!

  • Commentaire de Mario Bellavance — 6 avril 2012 à 6 h 54 min

    Mme Robert, vous avez de ces expressions imagées qui rendent votre lecture rafraîchissante : L’amour et le couple, c’est comme la crème et les fraises (ou le porto et le chocolat) : séparément, c’est bon mais, ensemble, c’est vachement meilleur ! Vachement, il faut l’écrire tout de même et avec cette signification!!! Allo Porto! On fait l’amour Chocolat? En cette période de Pâques, je sens déjà mes papilles gustatives saliver …

    Je vous remercie également pour tous vos mots savants : Eros, Philia, Agapè. Je remarque que le modèle se complexifie depuis le début de mon âge adulte. Dans mon temps,c’était Eros. Quelle belle lecture! C’était le bon temps! Peut-être?

    Toujours est-il qu’à l’Amour, il me manque quelque chose maintenant. De la complicité, oui. Chacun chez soi, cependant. C’est une vision où chacun pose ses frontières physiques. Il y a moi et toi ou encore toi et moi mais pas cette troisième entité que vous appelez le nous, il me semble. Heureux, malheureux? Puisque le couple n’a pu être qu’un ménage, servir à élever un enfant, une famille, l’envie de vivre l’Amour au sein du couple comme vous le décrivez dans sa totalité n’y est peut-être pas? L’Amour au sein du couple? C’est quoi ça? Chacun chez soi a bien des égards peut être bien plus sécurisant. Que puis-je faire? Impossible de remodeler l’autre. Alors, il me reste à rêver!!! Le Nous… L’Éternité : Le ciel bleu sur nous… Dieu réunit ceux qui s’aiment!!!

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 5 avril 2012 à 17 h 31 min

    Yess!!!

  • Commentaire de Khaled — 5 avril 2012 à 13 h 52 min

    « On peut « travailler » sa propre capacité d’aimer, pas celle de l’autre »

    Rien d’autre à dire. Agir sur soi et laisser le reste se faire.

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