Le couple a-t-il le vent dans les voiles ou du plomb dans l’aile ? Est-il en pleine renaissance ou aux soins palliatifs ? En tout cas, il fait parler. Et peut-être fait-il couler plus d’encre que de fluides corporels.
L’amour pousse à se mettre en couple parce que celui-ci est, plus que l’individu ou la famille, son véhicule privilégié. Aussitôt que le couple existe, il féconde une troisième entité que j’appelle la personne psychologique du couple. Le couple heureux est celui qui réussit ce mariage à trois : toi, moi, nous.
Dans nos sociétés occidentales, le couple carbure à l’amour et, si le carburant vient à s’épuiser, la locomotive s’arrête. Il est faux de prétendre que le couple a toujours eu la faveur des pouvoirs en place (comme l’Église, pour n’en nommer qu’un). Selon le modèle qui prévalait à l’époque de ma mère, il se diluait au profit de la famille. Selon le nouveau modèle, qui s’est installé quand j’avais la trentaine et qui prédomine encore, il est bouffé par l’individu qui, depuis son nombril, commande les tendances sociales.
Et puis, mine de rien, en nous proposant constamment des corps et du sexe à consommer, le monde qui nous entoure met tout en place pour saboter sa durée. Si nos sociétés favorisaient vraiment le couple, elles se fonderaient bien davantage sur des valeurs de générosité, de développement affectif durable, plutôt que sur le narcissisme et l’indépendance affective. Une fois admise l’idée que la durée et le partage de l’intimité font obstacle au couple parce qu’ils détonnent du diktat consommer-jeter-recommencer, que faire ? Si on refuse de n’être qu’un « ménage » ou une plate réalité statistique, je crois qu’il faut cultiver la distance.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la belle étrangère et le mystérieux inconnu sont si attirants ? Même s’ils sont parfois, en toute objectivité, bien moins séduisants que le conjoint ? C’est tout simple : ils ont de la distance. Scotchée à l’autre, on finit par ne plus sentir les contours de son propre corps, par ne plus distinguer la totalité de l’autre. Distance et privation nourrissent le fantasme et le désir.
On ne s’en sort pas : le lien amoureux et érotique se renouvelle à la condition que durent la fascination et l’admiration. Dans la rencontre d’un soir, l’admiration n’est pas nécessaire, la pulsion brute suffit. Elle est indispensable dans une relation au long cours que l'on veut tonique! Seule la paire d’êtres humains réunis autour d’Eros (intimité érotique et amoureuse), de Philia (amitié et admiration) et d’Agapè (ouverture sur le monde et sur les autres peut traverser le temps joyeusement.
Enfin, la sempiternelle question : le couple est-il une pâte à modeler qu’on peut pétrir et mettre à sa main ? Oui et non. Oui sur le plan domestique, les aménagements, le quotidien… Non sur le fondamental. On peut « travailler » sa propre capacité d’aimer, pas celle de l’autre.
L’amour et le couple, c’est comme la crème et les fraises (ou le porto et le chocolat) : séparément, c’est bon mais, ensemble, c’est vachement meilleur !