jocelyne robert

Qu’est-ce que l’identité sexuelle? Comment se structure-t-elle ? Invisible et impalpable, elle est au coeur de la personne et du développement de l’enfant. On la confond tantôt avec l’orientation sexuelle, tantôt avec les stéréotypes de rôle. Les inquitétudes parentales autour d'elle s’expriment ainsi: 

Ma fille est Tom boy et joue à des jeux de garçons !
Mon fils prétend qu’il va avoir un bébé dans son ventre!
Au secours!  Elle veut faire de la boxe!
Je l’ai surpris à se déguiser en fille !

Démêlons-nous un peu… 

  • L’identité sexuelle  (ou l'identité de genre) est un sentiment intra-psychique d’appartenance au groupe des hommes quand on est un garçon, au groupe des femmes quand on est une fille. C’est une fierté d’être et d’appartenir à son groupe sexué.
  • L'identification est le processus par lequel l’enfant intègre les caractéristiques de son sexe telles que définies par sa famille et son milieu. 
  • Les rôles sexuels composent l’ensemble des attitudes et conduites qu’une majorité culturelle estime appropriées pour un garçon ou pour une fille.
  • Quant aux stéréotypes sexuels, ils sont une sorte d’hypertrophie des rôles sexuels qui perpétuent des comportements typiques et rigides propres à chacun des sexes dans des sociétés données.
  • L’orientation sexuelle correspond à l’attrait érotique pour l’un ou l’autre sexe.  

Soulignons que l’homosexualité, le travestisme et le transsexualisme sont des réalités bien différentes. Et notons enfin que l’homosexuel assumé accepte son corps et en jouit. Il n’a pas nécessairement de conflit d’identité sexuelle alors que le transsexuel désavoue son sexe biologique et il est prêt à tout pour s’en défaire. Ce dernier éprouve le sentiment profond de s’être trompé de corps. Quant au travesti, il est tantôt homosexuel, hétérosexuel, bisexuel ou asexuel et une impulsion intense le pousse à se vêtir des attributs de l’autre sexe. Enfin, hétérosexuels et homosexuels ne sont pas à l'abi des sursauts de l’identité.

Quand et comment se forme l'identité sexuelle

Dès les premiers regards des parents, bébé apprend, par le geste, la voix, le choix des jouets et des vêtements, à quel sexe il appartient. Comme si sa morphologie génitale insufflait aux adultes le programme à suivre pour étiqueter et éduquer l’enfant.  Autour de 18 mois, alors qu'il est en mesure de percevoir ses organes génitaux, il peut se désigner comme garçon ou fille et commence à embrasser une identité sexuelle. On ne prend vraiment conscience de ce phénomène d’apprentissage que lorsqu’il pose problème. Le corps est donc une source d’identité primaire et le sexe, une zone d’investissement privilégiée.

CONSCIENCE DE L’EXISTENCE DES DEUX SEXES
(18 -24 mois)


IDENTIFICATION DU GENRE
Prise de conscience de l'appartenance à l’un des deux sexes
( 2 -3 ans)


STABILITÉ DU GENRE
Prise de conscience que le sexe anatomique est permanent
( 3 –5 ans)


CONSOLIDATION DU GENRE
Sentiment d’appartenance à un sexe
( 5 -6 ans)

Vers 2 ans, bien qu’assez futé pour poser la bonne étiquette sur son sexe et celui des autres, l’enfant manifeste de l’instabilité. L'une et l'autre peuvent se figurer qu’à un certain moment, ils se transformeront en l’autre sexe. Puis, à mesure qu’ils assument les comportements et caractéristiques attendus d'eux, ils acquièrent une identification au rôle sexuel. Dans nos univers, les filles sont supposées émotives, douces et maternelles alors que les garçons doivent se montrer rationnels, rudes et actifs. Pourtant, chez les Mundugamor de la Nouvelle-Guinée, hommes et femmes sont combatifs tandis que chez les Arapesh, les deux sexes sont sensibles et tendres.  Les femmes Tchambuli chassent et se montrent dominatrices pendant que leurs hommes maternent et dorlotent.

Je revois ma petite-Alice,  à 4 ans, se barbouiller les doigts d’orteils de verni à ongles puis se transformer en Hercule. L’idée d’en faire son mari ou de lui servir de faire-valoir ne l’effleurait  même pas!  Elle ne lui enviait pas son pénis mais sa puissance. La marge est grande entre vouloir du pouvoir et vouloir changer de sexe!

Selon Abraham Maslow, on ne peut se sentir ok comme personne si on ne se sent pas d’abord ok comme représentant d’un sexe donné.  

Similitude et complémentation 

Pour pouvoir être identique à soi-même, il faut avoir été identique à quelqu’un. Il faut s‘être structuré en « incorporant » quelqu’un d’autre. L’dentification s’ancre dans le lien affectif qui pousse à vouloir, non seulement faire, mais à vouloir être comme le parent de son sexe.

L’identité sexuelle est aussi nettement marquée par le parent de l’autre sexe en tant que première figure qui valorise, reconnaît et apprécie sa différence. Le père de la petite fille ou la mère du petit garçon conforte l'enfant en transmettant ce message inconscient : « Il est bon que tu sois ce que tu es. »

Deux grandes influences:  Le langage et les modèles

Par le langage, l’enfant est assuré de sa valeur. Les mots utilisés pour nommer son sexe et son genre ont un impact : ils appauvrissent ou enrichissent l’estime de soi en tant qu’être sexué. Tu es une fille et tu as une vulve, un vagin, un clitoris; plus tard, tu auras des seins, c’est merveilleux ! est bien plus valorisant que  Tu es une fille parce que tu n’as pas de pénis! 

D’autre part, cela n’est pas en interdisant les poupées et les larmes au garçon, les camions et jeux turbulents aux filles qu’on les confirme dans leur identité.  Le macho bourru est souvent un homme à qui, enfant, on a renié les qualités de douceur. La frêle évaporée est souvent une femme à qui, enfant, on a dénié toutes tendances agressives et conquérantes.  Si les modèles initiaux des enfants sont leurs parents, ils puisent aussi dans l’entourage, les médias, les personnages célèbres et les contes de fée d’autres figures identificatoires. 

Entre Cendrillon (prototype de servilité domestique), Blanche Neige (oiie blanche qui avale la première pomme venue) et  le Petit Chaperon Rouge (fillette à la limite de la débilité envoyée par une mère irresponsable dans les bois infestés de loups), Alice, dont on a parlé plus tôt, a troqué le pays des merveilles pour le monde d’Hercule.  Alice veut la féminité ET la force que nulle Belle au bois dormant ne lui confère!  Peut-on l’en blâmer ?  Pourquoi frustrer un petit homme qui se plaît à faire de la couture, du patin artistique ou de la poésie? Je me souviens avoir moi-même fracassé une  insignifiante poupée reçue pour mon 5e anniversaire de naissance. J’attendais fébrilement un tricycle rouge. J’en avais rêvé tous les soirs m’imaginant dévaler les trottoirs et les ruelles et voici qu’on m’imposait de pousser béatement sur une ridicule poussette. Trouble d’identité sexuelle? Pas du tout.  Refus d'un jeu qui ne correspondait pas à ma soif d’aventures et de dépassement physique.

Embuches, conflits et troubles de l'identité

Le sentier qui mène, de la conception d’un XX ou XY, à la femme ou à l’homme bien identifié est jalonné d’embûches, en particulier pour le garçon.  D’abord fusionné à la mère, celui-ci doit transférer son processus vers la figure masculine. Aussi, n’est-il pas étonnant qu’il se définisse en repérant d’abord la masculinité dans ce qui n'est pas féminin. Il apprend d'abord  ce qu’il ne doit pas être pour être masculin. Chez lui, le processus d’identification est  oppositionnel alors que chez elle il est relationnel.  La désidentification de la mère est plus aisée si le petit mâle bénéficie du soutien effectif d’un modèle masculin positif et présent.  Si rares soient-elles, les confusions majeures de l’identité toucheraient quatre fois plus de garçons que de filles.

Une fillette dont le père accueille la féminité et dont la mère est bien dans sa peau, sa tête et son cœur de femme se sentira gagnante en tant que fille.  Un garçon dont la mère accueille la masculinité et dont le père est activement présent et engagé auprès de lui sera gagnant en tant que garçon.

Et plus les assises identitaires sont solides, mieux l’adulte composera, plus tard, avec les divers écueils d’une vie d’homme ou de femme.  Faire face à une rupture non désirée, à la rivalité, à un épisode gynécologique mutilant, à une difficulté érotique ou simplement au vieillissement ne sera pas sans affecter une femme ou un homme bien identifié.  Mais disons que ces incidents de parcours  risquent moins  de démolir le sentiment de leur valeur profonde en tant que femme ou qu'homme. 

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Publié dans : Corps, Culture et Société, Éducation sexuelle, Enfance et Adolescence, Femmes, Hommes, Sexualité et Sexologie
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14 commentaires

  • Commentaire de julie — 2 janvier 2013 à 2 h 34 min

    J’ai 39 ans et j’ai décider de devenir une secrétaire!

  • Commentaire de Renée — 4 juin 2012 à 18 h 30 min

    Ce que j’ai lu sur le sujet en tant qu’historienne de la sexualité:
    Les textes de Michel Dorais, sociologue

    Baqué, Dominique. Mauvais genres. Érotisme, pornographie et art contemporain. Éditions du Regard. Paris. 2002

    Jocelyne Robert, Le sexe en mal d’amour,
    je le verrai et vous direz lequel des chapitres concerne le sujet.
    Youk

  • Commentaire de monia — 4 juin 2012 à 12 h 55 min

    Merci beaucoup! 😉

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 4 juin 2012 à 12 h 45 min

    Sans doute un article ou deux il y a longtemps. Faudrait que je retrouve. Si j’y arrive, je mettrai en ligne .

  • Commentaire de monia — 4 juin 2012 à 12 h 43 min

    Bonjour,

    Je suis un peu à côté de ce sujet, mais j’aimerais savoir si vous avez écrit sur les différentes orientations sexuelles (asexualité, pansexualité,intersexualité et autres…)
    Merci!
    Au plaisir de vous lire
    Bonne journée1

  • Commentaire de Renée — 30 avril 2012 à 18 h 53 min

    La revue « Fugues »
    Je ne la connaissais pas, je l’ai vue à l’épicerie Métro, pas loin de chez moi.
    En couverture un gros mâle sans poil. À l’intérieur des gars et des gars , pas de lesbiennes, seulement des beaux gars huilés, la tête sur le côté. J’ai trouvé ça dégoutant et j’ai compris en tant qu’historienne comment les homo mâle avaient utilisé les femmes à faire comme eux. Pendant que nous allons aux hommes, allez donc aux femmes. Les bons débarras…un arc-en-ciel

  • Commentaire de Renée — 29 avril 2012 à 19 h 16 min

    « Ingénieur émotionnel ». Intéressant Mario comme témoignage. Était-ce une bêtise? Je ne sais pas.
    L’émotion n’est pas une matière. Une chimie…parfois?
    Les émotions, on les manipule pour se défendre.

  • Commentaire de Mario Bellavance — 29 avril 2012 à 9 h 05 min

    Bon dimanche Jocelyne! Mon premier réflexe en lisant ton billet a été de me dire que ce sujet ne me concernait pas. En effet, comme un lecteur précédent l’a souligné, il s’agit d’un document didactique. J’y vois son utilité pour les parents de jeunes enfants afin de les guider dans l’éducation de leurs enfants. Mais moi?
    Homme et fier de l’être! Qui suis-je au juste? Vite on touche aux stéréotypes. Récemment, me sentant floué par un partenaire d’affaires, je lui fais part de mes inquiétudes. Il me lance aussitôt l’épithète assassin : Tu n’es qu’un ingénieur émotionnel!!! Cet homme avait une image de ce qu’est un ingénieur, de ce qu’est un homme… À l’aide de ces stéréotypes, il se permettait de me juger.

    En me dédicaçant son livre « La violence des hommes », Jean Monbourquette m’écrivait : « Mario, En lisant ce livre, j’espère que le sommet de la spiritualité de l’homme, c’est prendre contact avec sa femme intérieure. » Voici que les choses sont moins claires, moins stéréotypées. Pour continuer à m’exprimer à partir de mon expérience, je reconnais que j’ai pu avoir joué à l’homme durant ma vingtaine et que maintenant passé les 50 ans, je n’ai plus rien à prouver. Je peux explorer mon côté féminin, mon côté émotionnel. Je peux m’exprimer avec délicatesse et ressenti sans avoir à revêtir une armure ni avoir recours à un 2 x 4 ou des gants de boxe pour le faire…

  • Commentaire de Renée — 28 avril 2012 à 18 h 09 min

    Naître dans un chou…On ne m’a jamais dit ça.
    Je n’ai rien contre les choux ni le jardinage. En fait , je ne jardine pas comme la plupart d’entre nous.
    Je cuisine le chou.
    Il ya 40 ans, c’est pas loin.
    « Le choc du futur » d’Alvin Toffler
    Pouvons-nous apprendre sans tomber dans le ridicule?

  • Commentaire de Philippe GOBLET — 28 avril 2012 à 16 h 13 min

    Bonjour

    je savais qu’aprés la naissance d’un enfant les dix premières années avaient une importance capitale en termes d’éducation (c’est une grosse responsabilité pour les parents au fond, toute une vie en dépend). A savoir aussi, qu’aprés la naissance bébé est très sensible à son environnement, comme vous l’avez si bien écrit dailleur:

    « Dès les premiers regards des parents, bébé….. »

    L’identité sexuelle, comment se structure-telle, c’est passionnant, bien structuré et bien expliqué, c’est très important et comme « La sexualité » des sujets trop longtemps restés tabouts

    Saviez vous qu’il y a une quarantaine d’années de cela les bébés naissaient dans les « choux », allez savoir !!, une « analogie poètique » ou l’embarras de ne pas trouver les mots pour….Bref !!

    Osez !, osez ! Jocelyne…
    c’est un plaisir de vous lire !!

    Philippe

  • Commentaire de Renée — 27 avril 2012 à 20 h 21 min

    Si rares soient-elles, les confusions majeures de l’identité toucheraient quatre fois plus de garçons que de filles (dixit JR)
    Les confusions majeures de l’identité se révèlent à la maturité.
    La confusion des genres, celle de la bisexualité.
    Masculine…
    Les hommes sont construits pour la Bi
    Comme du temps de la Grèce antique

  • Commentaire de Isidore Wasungu — 27 avril 2012 à 8 h 48 min

    Bon retour Mme Robert!

    Excellent document didactique! À chacun sa spécialité et vous maîtrisez parfaitement la vôtre! Qui que nous soyons je crois que nous y apprenons beaucoup ou quelque chose de fort pertinent.

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 26 avril 2012 à 12 h 34 min

    Merci chère Lise! xx

  • Commentaire de Lise Roy — 26 avril 2012 à 12 h 32 min

    Toujours aussi pertinente! Bon billet que je ferai lire à mes deux filles/gendres qui sont parents.

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