jocelyne robert

Vite !  Vite ! … Toujours plus vite… 

75303303Les gens ne veulent pas aller plus haut, comme dans la chanson. Ni plus loin. Ni plus en profondeur. Non, ils veulent aller plus vite. S'étourdir.

Ralentir, traînasser, flâner, s’ennuyer…?  Plutôt crever !

On se projette dans ce qui vient, on escamote ce qui est. On tweete vite. On mange vite, on jouit vite. On veut changer vite, maigrir vite, guérir vite, faire de l'argent vite, apprendre vite, aimer vite, être aimé vite, oublier vite. 

La seule chose qu’on souhaite faire lentement, le plus lentement du monde : vieillir. Et surtout ne pas mourir vite. En fait, on ne veut pas mourir du tout.

Alors, pourquoi se dépêcher comme ça de bondir en avant ? N’a-t-on pas compris qu’à courir toujours droit devant, à fuir dans les projets et le futur et bien, le temps passe forcément plus vite et forcément, on s'use plus vite?

Et on se surprend ensuite que les hommes souffrent d’éjaculation précoce. Que le fast food pornographique domine. Que l’érotisme (qui prend du temps) fiche  le camp! 

S'ennuyer, quel bonheur! 

Un jour, je gardais ma petite-fille alors haute comme cinq pommes. Elle passait la fin de semaine chez moi. Dès le saut du lit, elle me harcela pour savoir ce que nous allions manger, ce que nous allions faire après le petit déjeuner, en avant-midi, puis si nous allions jouer dehors ou aller au ciné, si nous allions manger au resto à midi, où nous irions en après-midi, et ce soir, puis ensuite, puis demain…

Éreintée, n’en pouvant plus de son babillage et de sa fébrilité, je lui coupai le sifflet: « Tu aimes la nouveauté et bien  aujourd’hui, ma chérie tu vas être servie. On va faire quelque chose de complètement nouveau pour toi, on va s’ennuyer!  Point barre! Tu vas voir comme ce sera bon! » Elle est restée estomaquée! Bouche bée! Paniquée devant cette inaction obligée.

Et de fait, nous n’avons rien planifié, rien fait de la journée qui fut le moindrement organisé. Nous nous sommes assises, relevées, rassises, recouchées. Nous avons regardé par la fenêtre, aperçu des oiseaux, fermé les yeux… Nous avons traînassé, flâné, barboté dans la baignoire jusqu’à être toutes chiffonnées…  Nous avons déambulé, sans but, sans objectif,  avec les cerfs, dans les boisés du Parc régional de Longueuil. Nous avons respiré des parfums de terre et de champignons. Nous nous sommes égarées et il s’est mis à pleuvoir des clous et nous chiâlions qu’il « pleutait » vraiment trop fort.

Te souviens-tu Alice, de cette souveraine journée de désœuvrement? De ce devoir d’ennui qui, finalement, n'eut d’ennuyant que le mot ?

Pour se moquer de moi,  en me regardant droit dans les yeux, Alice avait répondu à son amie qui lui demandait au téléphone ce qu'elle avait fait toute la journée chez sa grande-mère : "M'en parle pas, je suis épuisée, on a été dans le moment présent toute la journée ! " 

Éloge de la flânerie. Ça presse! 

 

 

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13 commentaires

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 28 juillet 2013 à 10 h 12 min

    Telllllllement d’accord avec vous ! Merci à vous.

  • Commentaire de Jean-Pierre DURAND — 28 juillet 2013 à 4 h 05 min

    Courir à gauche et droite à tout bout de champ ne mènera jamais nulle part car le temps courra toujours plus vite que soi… Devenir présent en conscience, se poser quelques instants, faire silence et observer notre monde intérieur sans idée préconçue, pourquoi ne serait-ce pas le début de l’éveil au bonheur durable ? Merci pour tous ces beaux partages… Jean-Pierre – LIBRAIRIE ARCANES UNIVERS (PARIS)

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 1 février 2013 à 0 h 02 min

    Merci de vos bons mots Harfang des Neiges. Plutôt que de la diffuser en entier, je préférais que vous mettiez le début puis un  » à suivre » vers mon blogue . En plus de la source, bien évidemment.

    Qu’en dites-vous?

     

  • Commentaire de Harfang des Neiges — 31 janvier 2013 à 3 h 28 min

    Merci Jocelyne de cette merveilleuse anecdocte, puis-je la diffuser à l’école primaire et à la Maison des Jeunes de mon Village ? Bien entendu en citant ton nom. Ces anecdotes judicieuses sont preque toujours transmis aux parents et celle-ci surprend et constitue un  »Sujet de Réflection ». Dans  »Citadelle » d’Antoine de St-Exupéry, (Fragments de textes colligés après sa disparition, il a écrit… (De Mémoire) J’ai un intime besoin de retourner à mon Village car ma Vie, j’éprouve un besoin de la méditer.

    Merci Jocelyne de cette Perle de Sagesse Pertinente, Cohérente et Conséquente.

    Encore d’autres S.V.P. … lol
    Harfang des Neiges

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 24 janvier 2013 à 16 h 48 min

    René, mon texte est métaphorique.  Un prétexte pour parler de la vie vitesse grand V… Je ne connais pas l’ennui. Je ne me suis jamais ennuyé de ma vie… 🙂

  • Commentaire de Renée — 24 janvier 2013 à 16 h 20 min

    « S’ennuyer quel bonheur »
    Oui sans doute quand on travaille et qu’on a que les fins de semaine de répit.
    À la retraite, le mot prend un autre sens.
    Pour ma part, le bonheur de l’ennui est parfois quotidien, de courte durée, bienvenu. On préfère l’ennui au bruit, la lenteur à la vitesse.
    Les heures lentes m’accompagnent pour les petits travaux ménagers, les longues marches, les courses, les lectures, les courriels, un bonjour hasardeux.
    Ce qu’on pourrait appeler de l’ennui se convertit parfois en un vide non pas à remplir mais à examiner. Pas besoin de faire le plein. Un espace vide pour une lente respiration, une sieste, un étirement, un spooning.
    Pas même le goût d’écouter de la musique. L’heure des repas activera les sens.

    Il s’agit de cette petite dose d’ennui nécessaire me permettant d’être paresseuse et aussi me rappelant que ce genre d’ennui n’est rien comparativement à l’ennui de l’être aimé perdu, disparu ou ailleurs!!
    Des heures sans espérances, sans attentes. Une concentration égocentrique.
    Les indices de l’ennui me donnent l’occasion d’une certaine « désintellectualisation », comme un petit sevrage.
    Des retraites, on en aura prises plusieurs. Se retirer de biens des obligations pour ne garder que l’essentiel, la santé, l’éveil, le réveil.
    Youk

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 24 janvier 2013 à 8 h 18 min

    François, j’adore décrocher des flèches d’émotions inattendues… 🙂

  • Commentaire de Francois — 24 janvier 2013 à 7 h 14 min

    Merci Jocelyne, ce petit billet m’a décroché un moment d’émotion inattendu…excellente conclusion. 🙂

  • Commentaire de Solange Chiasson — 21 janvier 2013 à 12 h 45 min

    Comme votre texte me rejoint!
    Je n’arrête pas de dire qu’en pensant sans cesse au lendemain, au prochain projet, ect..On perd le moment présent! J’essaie vraiment à mesure que je vieillis de me recentrer constamment, mais c’est difficile. Et vous avez raison, quel bonheur de flâner!..:-)))

  • Commentaire de Marie-Julie Parent — 21 janvier 2013 à 12 h 23 min

    Ohhh que oui!! Prendre son temps…à rien faire, ou presque:) faudrait moins vouloir en faire et en prendre…on dirait qu’on réalise ça sur le tard dans nos vies! Il faut propager cette tendance auprès des jeunes!!! 🙂

  • Commentaire de Mireille Côté — 21 janvier 2013 à 9 h 30 min

    Quel bonheur de lire votre texte, ce matin! J’en ai apprécié chaque ligne. Merci de ce partage… je m’en vais m’ennuyer

  • Commentaire de François Marcotte — 21 janvier 2013 à 8 h 44 min

    Votre billet aurait pu aussi s’intituler Éloge de la lenteur. Mais j’aime bien votre titre. Qui est un incitatif à chercher le bonheur ailleurs que dans la frénésie de l’hyperactivité qui caractérise nos sociétés occidentales. Peut-être sommes-nous conditionnés par elles à vouloir toujours performer, sans nous accorder le droit à la lenteur et même à l’ennui…
    Plus de gens devraient découvrir les vertus de la méditation ou de l’introspection, comme l’a écrit Mme Montpetit ci-haut. Ils s’en porteraient mieux.
    Alors, on se permet désormais de flâner un peu chaque jour sans se sentir coupables.

  • Commentaire de Marie Montpetit — 20 janvier 2013 à 18 h 20 min

    Merci pour ce texte sur le moment présent 🙂 J’abonde dans le même sens que vous !

    Qu’il est bon de s’ennuyer ! Ça permet de petits moments d’introspection pour se questionner, ne serait-ce que de se dire ce qui nous dérange dans le fait de ne rien faire !

    Et pour les enfants, ça leur permet de prendre conscience qu’ils ont « le droit » de prendre un peu d’initiative quant à leur choix … au lieu de se faire organiser constamment !

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