jocelyne robert

Aux lendemains de la journée internationale des droits des femmes, aux lendemains de cette discussion sur la place publique sur « l’être ou ne pas être féministe », mes pensées vagabondent: Un féminisme transgénérationnel, ça existe ? Et, mieux encore, une solidarité féministe transgénérationnelle, ça se peut-tu?

En fait, cette brève m’a été inspirée par un gazouillis de Léa Clermont-Dion sur Twitter il y a quelques jours. Aussi,  par Annette Côté-Savoie, cette jeune féministe de 105 ans découverte au télé-journal de Patrice Roy.

Capture d’écran 2016-03-11 à 12.43.18Léa Clermont-Dion écrivait que les «  deux attaques les plus fréquentes faites aux femmes sont reliées à deux choses: leur sexualité et leur physique. »

Elle a raison Léa. Mais elle oublie une troisième attaque, virulente, insidieuse et plus inéluctable que les deux précédentes en plus de les contenir et de les déborder : leur âge. Bien sûr, on n’attaque pas les féministes de 105 ans. Celles-là, on les vénère, avec raison. Mais qu’est-ce quon se reprend sur les autres, de 55 à 85 ans !

Le corps, la sexualité, l’âge…

J’ai développé dans Les femmes vintage  l’idée qu’il arrive avec l’âge ce qui est arrivé avec la beauté corporelle et le sex appeal à tout prix. Dès l’aube de la cinquantaine, le monstre passe de bicéphale à tricéphale : pas le droit d’être grosse, pas le droit d’être laide (c’est à dire de ne pas correspondre aux stéréotypes culturels et sexuels de beauté), pas le droit d’être vieille.

Cette troisième violence en raison de l’âge, souvent occultée, est terrible. Cela m’a frappée lors de récentes émissions de Tout le monde en parle où se sont succédées, une semaine après l’autre, deux grandes stars, toutes deux âgées de 71 ans : Priscilla Presley et Roger Waters.  ELLE, est arrivée momifiée, inhumainement lissée et figée par les multiples chirurgies. Et bien qu’elle se montra fort sympathique, elle a subi, sur les réseaux sociaux, les foudres des détracteurs, hommes et femmes confondus. LUI, est apparu grisonnant, ridé et désinvolte.  Et  il a subi les foudres amoureuses des téléspectateurs, hommes et femmes confondus:  Wow ! 71 ans et quel symbole sexuel ! Il est merveilleux.

Lissée ou ridée, t’es vieille, t’es out !

Priscilla Presley serait arrivée grisonnante, ridée et désinvolte qu’on l’aurait invectivée tout autant : Wo ! Mémé se prend pour un symbole sexuel ! Elle est grotesque. Et le pire c’est que c’est précisément pour rester belle et désirable que Priscilla s’est imposée tout cela.

Je me contenterai de rappeler ici les commentaires disgracieux et nauséabonds proférés à l’égard de l’allure ou du vieillissement, physique ou « mental », d’une Hillary Clinton, d’une Pauline Marois ou d’une Lise Payette… Ainsi que les louanges à l’endroit de la maturité séduisante des hommes politiques du même âge, qui eux sont dans la « force de cet âge » et « en pleine possession de leurs moyens ».

Ceci étant, le but de ma pensée vagabonde aujourd’hui n’est pas ce rappel. Le but est de poser une ou deux questions : Se pourrait-il que les jeunes femmes, obnubilées par leur peur de vieillir, jettent un voile sur les femmes « âgées » qui leur rappellent trop leur propre finitude ? Se pourrait-il que même les jeunes féministes excluent parfois, plus ou moins consciemment sans doute, les vieilles féministes ?

So so so…

La solidarité, qu’on appelle ou dont on se réclame à grands cris ces temps-ci, pourrait et devrait rallier les femmes de toutes allégeances sans empêcher les divergences d’opinions ou d’idéologies, la valeur pivot étant la quête d’égalité entre les hommes et les femmes. N’en va-t-il pas de même pour l’âge ? N’est-il pas une réalité incontestable que la valeur d’une personne n’est pas tributaire de son âge ?

Quand on est une féministe assumée, on rencontre jugements et dénigrements liés à cette adhésion même au féminisme. Quand on est vieille, on rencontre jugements et dénigrements liés à cet inéluctable état de fait. Quand on est vieille et féministe, on mange doublement la claque.

Vivement un féminisme qui s’incarnerait dans la dissidence sans équivoque à l’égard de la tendance, inavouée et inavouable  t’es vieille, t’es out au lieu de la nourrir. Encore une fois, sans qu’il soit jamais question de tout tolérer ou de tout accepter les unes des autres, je pose la question : la solidarité féministe transgénérationnelle est-elle possible ? Vu le nombre de fois que de jeunes féministes montrent la porte à leurs aînées, vu surtout leur silence, leur oubli ou leur déni, il m’arrive de douter…

 

 

 

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Publié dans : Culture et Société, Féminisme, Femmes, Médias et Actualités, Vieillir
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2 commentaires

  • Commentaire de Francine Desjardins — 31 mars 2016 à 21 h 38 min

    Merci Mme Robert de livrer ce message, car avec la vie trépidante nous avons tendance a oublier que la solidarité entre femme ça existe ,mais il faut en parler et informer les jeunes filles ce que c’est la solidarité féministe transgénérationnelle, et qu’être féministe c’est quelque chose de formidable et que nous devons être fière de l’être.Car n’oublions pas il y a quelques années et pas si loin les gens te regardait d’un oeil très bizarre comme dirait Mme Bertrand
    Francine Desjardins Courtier Immobilier

  • Commentaire de Suzanne Beaulne — 12 mars 2016 à 22 h 21 min

    Il faut avoir lu l’article de Léa Stréliski dans le magazine Urbania pour comprendre la haine des jeunes femmes qui se disent féministes envers une pionnière comme Janette Bertrand . Jamais lu un article aussi haineux envers une féministe d’ici alors qu’il y en a eu d’innombrables sur Simone de Beauvoir. On s’en prend plus à leur apparence qu’à leurs idées d’ailleurs. Dans le cas de Janette Bertrand, on a tenté de la dépeindre comme bien plus ridicule avec son Botox que les femmes voilées. La comparaison est boîteuse puisqu’ici, le Botox n’est pas obligatoire et on ne vous lancera pas du vitriol si vous ne l’utilisez pas. Par contre, certaines jeunes féministes n’hésiteront pas à vous démolir le portrait par des arguments acides et aussi stupides que les méthodes intégristes… si vous osez questionner le port du voile.

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