jocelyne robert

Vous n’êtes pas une femme fontaine ? Vous ne jouissez pas sur commande ? La relation coïtale ne vous expédie pas au septième ciel ? Et puis après ? Vos orgasmes vous satisfont ? Vos rapports intimes sont joyeux et libres ? Votre vie sexuelle insuffle de la saveur à votre vie ? Formidable. Ne laissez personne vous convaincre que vous êtes un fossile de la volupté.

Vers la fin des années 1960, William Masters et Virginia Johnson ont été les premiers sexologues à observer la réponse sexuelle humaine en laboratoire. Depuis, la typologie des orgasmes féminins s’est allongée presque à l’infini. Après les orgasmes clitoridien et vaginal, il y a eu des orgasmes vulvaire, coïtal, simultané, utérin, éjaculatoire, post-éjaculatoire réflexe, « pointgéïste », et j’en passe. C’est à y perdre… son orgasme! Pas étonnant que de nombreuses femmes se soient mises à se sentir incompétentes parce qu'elles n'éprouvaient pas le dernier orgasme répertorié.

On insinue, à mots couverts, que les « vraies femmes » doivent jouir, comme ceci ou comme cela.Soyons sérieuses. Un orgasme est un orgasme. Peu importe les sources de stimulation qui contribuent à le déclencher (clitoris, mamelons, lèvres, point G, orifice vaginal…) et que cela se passe en solo ou en duo.  Les vagues bienfaisantes qui le caractérisent sont toujours perçues dans le tiers externe du vagin. Le fait que la pénétration ne conduise pas toutes les femmes à l’explosion orgasmique ne les empêche pas de désirer et d’apprécier celle-ci puis de parvenir au summum du plaisir par d’autres types de caresses. C’est ainsi : certaines ont une géographie érotique vaste, d’autres ont un répertoire plus spécialisé. Et ce sont des critères subjectifs qui exaltent l'évaluation qu'on en fait.

Avouons-le franchement. Quand un homme se demande si une femme est clitoridienne ou vaginale, il veut en réalité savoir si elle finira par jouir par le frottement de son pénis le long de ses parois vaginales. Ou si son labeur sera vain. En boutade, je dis parfois que l’orgasme dit vaginal aurait dû s’appeler « orgasme pénien » puisqu’il est sous-entendu ici que c’est le sexe masculin qui joue le rôle catalyseur. On a tant valorisé cette jouissance, on l’a tant ennoblie, qu’on a fini par en faire le but suprême à atteindre. Résultat : trop de femmes croient fermement que c’est la seule manière valable de jouir et par conséquent, se sentent inadéquates de ne pas l’expérimenter. Certaines, pour se montrer à la hauteur ou pour gonfler l’ego de leur partenaire, cultivent l’art de la feinte, au détriment de leur plaisir et au risque d’installer le lien érotique dans le mensonge.

Le clitoris est le seul organe du corps humain dont l’unique fonction est le plaisir. Il se prolonge bien au-delà de ses frontières visibles et les milliers de fibres nerveuses qui sillonnent la vulve interagissent avec son noyau central. Ainsi, la peau entourant l’orifice urinaire, extrêmement sensible, permet à certaines femmes d’atteindre l’orgasme pendant le va-et-vient coïtal puisque ce tissu est alors vigoureusement stimulé. D’autres affirment jouir quand une bonne pression s’exerce à l’intérieur du vagin. C’est ce qui a conduit Ernst Gräfenberg à parler de l’existence du point G, qui serait une zone de sensibilité interne. Il a simplement oublié de mentionner (peut-être ne le savait-il pas ?) que les racines du clitoris se dispersent profondément, en étoile, et peuvent être stimulées par d’autres voies… Comme d'autres, je pense que le point G serait une autre voie d’accès au réseau clitoridien. 

Bien des personnes, hommes et femmes, se disent sexuellement insatisfaites malgré leur talent à se gratifier d’orgasmes masturbatoires torrides. À vrai dire, les deux sexes décrivent les orgasmes « relationnels » comme étant les plus satisfaisants. Comme quoi, le bonheur érotique revêt une signification plus profonde, plus métaphysique que la simple mesure de l’« orgasmomètre ».

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Publié dans : Érotisme et/ou Pornographie, Femmes, Hommes, Plaisir, Sexualité et Sexologie
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4 commentaires

  • Commentaire de Tina — 15 mars 2013 à 13 h 02 min

    Je sais que je répond très en retard. L’article date de 2011. Mais c’est tellement bien dit, que je ne peux m’empêcher de vous remercier et de vous féliciter pour ce texte.

    Ces derniers temps, j’ai lû pas mal de choses sur internet et dans les livres. J’ai vu des illustrations 3D des nouvelles découvertes sur le clitoris. C’est tout-à-fait fascinant. Je ne sais pas pourquoi on n’en entend pas plus parler. J’espère qu’il va y avoir des cours à l’école pour montrer cela aux jeunes filles et garçon, car ce sont des découvertes très importantes.

    Mais on dirait que beaucoup de gens refusent d’y croire et ont une attitude presque agressive quand on leur parle (j’en ai été témoin en lisant des forums). Certains hommes et même des femmes veulent absolument s’accrocher à l’idéologie dominante d’un orgasme vaginal totalement indépendant du clito.

    On dirait que le mot « clito » est perçu très négativement, comme étant un orgasme inférieur, de moindre valeur. Je ne pense pas que les hommes aimeraient qu’on dénigre leur pénis de la même façon que le clito est constament dénigré dans notre culture. Je comparerais cela à une « excision psychologique ».

    Se dire « clitoridienne » c’est un peu comme se dire « sexuellement inférieure et incompétente ». Pour beaucoup de gens l’orgasme clitoridien « ça compte pas ».

    Les femmes ne sont pas forcément tendres entre elles à ce sujet. Les « vaginales » aiment beaucoup écraser les « clitoridiennes » et se sentir supérieures. Il y a aussi beaucoup de femmes qui blâment les hommes, de ne pas les rendre « vaginales » et choisissent leur compagnon de vie seulement en fonction de cela. Les femmes mettent une pression terrible sur les hommes, et les hommes mettent une pression terrible sur les femmes, pour ce maudit « orgasme vaginal ».

    Il serait temps que tout le monde prenne des cours d’anatomie et qu’on en finisse avec ces vieilles théories qui nous pourrissent la vie.

    Le clito est comme une fleur, avec des racines profondes. J’ai enfin pû comprendre mon corps! Et j’en suis tellement heureuse depuis. Je me sens libérée d’un poids.

    J’avais depuis longtemps l’intuition que chaque partie est reliée, ce ne sont pas des « points » indépendants les uns des autres, et que plus on s’éloigne du clito, plus la sensation s’affaiblit et exige une stimulation plus rigoureuse pour mener à un orgasme, pas forcément meilleur.

    Car contrairement à une croyance bien répandue, l’orgasme de la « Zone G » (ce n’est pas un point), n’est pas meilleur que l’orgasme du gland. Je le trouve plus court. À moins qu’on soit toutes différentes là-dessus, mais j’ai plutôt l’impression que c’est la « valeur morale supérieure » de cet orgasme situé dans le vagin, qui fait que plusieurs femmes l’évaluent comme plus fort, sans qu’il le soit réellement.

    Mon impression est qu’il faut voir nos parties génitales comme un TOUT est non comme des parties séparées, et que s’acharner sur un « Point » peut être amusant si on veut juste expérimenter, mais c’est se priver du RESTE.

    La solution gagnante est donc de stimuler tout en même temps! Et là c’est la TOTALE. Est-ce qu’il faut que je fasse un dessin?

    Il paraîtrait que les filles qui ont été excisées du gland du clito, ne ressentent plus rien. Même pas d’orgasme vaginal, pas de point G, pas de Deep Spot. Rien. C’est la preuve que c’est relié.

  • Commentaire de Jocelyne Robert — 12 septembre 2011 à 9 h 25 min

    Bien d’accord. Ce que je dénonce c’est la nomenclature inventée par des hommes pour que les femmes jouissent absolument à travers leur pénis.
    Un orgasme est un orgasme. Quelle que soit la source de déclenchement. 😉

  • Commentaire de Christine - Ooooohhhh ! — 12 septembre 2011 à 9 h 17 min

    Certes, certes, mais bon, quand même …
    On ne peut pas non plus enlever toutes ses vertus à l’orgasme, ni au plaisir de rechercher de nouveaux orgasmes, plaisirs ou sensations.

    J’entends trop souvent dénigrer l’orgasme qui « après tout n’est pas indispensable » etc etc.
    OK d’accord.

    Mais le problème, c’est que trop de femmes n’ont *pas le choix* d’avoir un orgasme ou non : elles n’en ont pas, tout simplement.
    Et là, il y a un véritable problème.
    Un problème de santé publique même, quand on regarde et les chiffres (30% de femmes sans orgasme) et les bienfaits de l’orgasme sur la santé.

    Alors moi je préfère dire : « A quand les cours d’orgasme ? »
    Car toutes, nous pouvons tous les avoir.

  • Commentaire de Renée — 16 juin 2011 à 12 h 06 min

    L’Orgone de Reich (mort en 1957). Comment organiser sa vie en trouvant un équilibre entre travail, connaissances et libido? Pas nécessairement dans le comment comme dans le combien. Assiduité du plaisir orgasmique, solitaire, assisté ou partagé ( de préférence).
    Ce dernier billet de Jr et les précédents m’amènent à faire un lien entre orgasmologie et synergologie. Les signes du désir, du regret, de la séduction, de la peur…et quoi d’autre. Pensons aux expressions consacrées. « Il me fait de beaux yeux ». C’est la première qui me vient à l’esprit.
    Renée

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